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Gynécologie & Sénologie

Publié le 09 oct 2019Lecture 6 min

Cancer du sein : double blocage de la voie HER2

Marc ESPIÉ, Florence LEDOUX, Centre des maladies du sein, Hôpital Saint-Louis, Université Denis Diderot, Paris

Les cancers surexprimant HER2 sont spontanément des cancers de mauvais pronostic. Le trastuzumab en a considérablement changé le pronostic. Il existe cependant des résistances au traitement. Le double blocage, en associant le trastuzumab avec de nouveaux anticorps monoclonaux ou avec des agents antityrosine kinase, tente d’améliorer les résultats thérapeutiques.

Dix à 20 % des cancers du sein sur-expriment HER2. Cette surexpression est associée à un plus mauvais pronostic, avec des tumeurs plus rapidement évolutives et donnant plus fréquemment des métastases. La découverte du trastuzumab (Herceptin®) a complètement changé le pronostic de ces patientes en augmentant significativement les chances de guérison. Cependant, en situation métastatique, on va observer 40 % de résistance primaire ou acquise dans la première année de traitement. Il est donc nécessaire d’améliorer l’efficacité thérapeutique en raison des résistances spontanées ou secondaires aux agents anti-HER2. Il existe différents mécanismes de résistance : altération de l’accès au récepteur et formes tronquées, inhibition de l’activité ADCC liée à des polymorphismes du fragment Fc, inhibition de PTEN, mutations Pi3K, etc., activation des voies HER3, HER1, hétérodimérisation de HER2, activation de la voie IGF-1R-Pi3K, etc. HER2 est localisé sur le bras long du chromosome 17 et fait partie de la famille des récepteurs de l’EGFR (epidermal growth factor receptor). Ce sont des récepteurs transmembranaires. L’activation du gène HER2 va stimuler des voies de signalisation, en particulier la voie Pi3K-AKT-mTOR et la voie des MAP kinases. Il n’y a pas de ligand connu à HER2 qui est dans une conformation spatiale « ouverte » qui va favoriser la dimérisation de HER2 avec les autres membres de la famille HER. On peut mettre en évidence des homodimères HER2-HER2, des hétérodimères HER2-HER3 ou HER2-EGFR qui vont activer le domaine kinase situé dans la portion intracytoplasmique du récepteur. Le trastuzumab va bloquer le récepteur HER2 au niveau de son domaine IV et ainsi limiter la dimérisation de HER2. Le pertuzumab est un autre anticorps qui va, quant à lui, cibler le domaine II et ainsi inhiber l’hétéromérisation avec HER3. Le lapatinib va agir au niveau du domaine tyrosine kinase et également bloquer en partie les voies de prolifération intracellulaires. Il était donc logique d’associer ces différentes molécules pour bloquer de manière plus efficace la voie HER2. Le T-DM1 (trastuzumab-emtansine) est une molécule originale qui couple le trastuzumab à une chimiothérapie, l’emtansine, qui est un inhibiteur des microtubules du fuseau mitotique. Un double blocage va donc être possible en associant trastuzumab et lapatinib, trastuzumab et pertuzumab ou en utilisant le TDM1. Situation métastatique Trastuzumab/lapatinib L’association trastuzumab/lapatinib a été comparée au lapatinib et ce, sans chimiothérapie chez des patientes ayant progressé sous trastuzumab. Il a été démontré un gain en faveur du double blocage tant en survie sans progression qu’en survie globale (14 mois versus 9,5 mois, HR = 0,74, (0,58-0,94) p = 0,026)(1). Trastuzumab/pertuzumab Nous nous limiterons aux études de phase III avec l’essai en première ligne métastatique Cléopatra : 808 patientes ont été randomisées ; 432 n’avaient reçu aucun traitement adjuvant ou néoadjuvant. La survie globale a été de 56,5 mois (49,3 – NA) pour l’association versus 40,8 mois (35,8-48,3) sous trastuzumab seul. Il a donc été observé un gain de 15,7 mois, HR : 0,68 (0,56-0,84 ; p < 0,001)(2). Le bénéfice était plus important pour les patientes dont la tumeur n’exprimait pas les récepteurs hormonaux. Trastuzumab/T-DM1/pertuzumab L’essai Marianne randomisait en première ligne métastatique taxane + trastuzumab, T-DM1 + placebo et T-DM1 + pertuzumab. Il n’a pas été mis en évidence de supériorité comparativement au bras de référence. La survie sans progression est en effet identique dans les trois bras : – taxane + trastuzumab : 13,7 mois ; – T-DM1 : 15,2 mois ; HR = 0,97 (0,69-1,08 ; p = 0,14) ; – T-DM1 + pertuzumab : 14,1 mois; HR = 0,91 (0,73-1,13). Situation néoadjuvante Trastuzumab/lapatinib Plusieurs essais ont comparé chimiothérapie + trastuzumab ± lapatinib. L’essai NeoAlto a comparé trois bras : paclitaxel + trastuzumab, paclitaxel + trastuzumab + lapatinib et paclitaxel + lapatinib. Le double blocage a permis d’obtenir un meilleur taux de réponses complètes histologiques : 51 % vs 24 % avec le lapatinib et 29 % pour le trastuzumab sans différence significative en termes de survie sans progression ou de survie globale(3). En revanche, en cas de réponse histologique complète, la survie sans événement et la survie globale à trois ans sont améliorées : – SSE (survie sans événement) : HR = 0,38 (0,22-0,63 ; p = 0,0003) ; – SG (survie globale) : HR = 0,35 (0,15-0,70 ; p = 0,005). Il est donc important d’obtenir cette réponse histologique complète. L’essai NSABP-B41 a comparé, après une chimiothérapie de type 4AC, soit paclitaxel hebdomadaire, soit trastuzumab, soit lapatinib, soit l’association des deux. On a également noté des taux de réponses histologiques plus importants en faveur du double blocage, sans atteindre la significativité statistique(4). Trois autres essais de phase II randomisés ont été publiés avec moins de patientes : celui de Guarneri qui montrait un bénéfice en faveur du double blocage en termes de taux de réponses pathologiques : 46,7 % vs 25 % et 26,3 %(5) ; celui de Holmes qui montrait également un meilleur taux de réponses complètes histologiques : 74 % vs 54 % vs 45 %(6). Quant à celui de Bonnefoi, comparant trastuzumab, lapatinib et l’association des deux, il n’a pas mis en évidence de différence statistiquement significative, mais il existe un gain numérique en faveur de l’association (56 % ; 52 % ; 36 %)(7). Une métaanalyse évaluant l’association lapatinib + trastuzumab a été publiée ; 4 essais ont été repris avec un total de 767 patientes. Il a été mis en évidence un taux de réponses histologiques complètes (pCR) au niveau de la tumeur mammaire et des ganglions de 38,36 % sous trastuzumab, 55,76 % sous l’association trastuzumab + lapatinib (OR = 1,94 ; 1,44-2,6 ; p = 0,0001). Le bénéfice observé était plus important pour les tumeurs HER2+ RH-(8). Trastuzumab/pertuzumab Plusieurs essais randomisés de phase II ont été publiés. • L’essai Néosphère comparait l’association docétaxel + trastuzumab à l’association docétaxel + trastuzumab + pertuzumab. Le double blocage a permis d’augmenter le taux de réponses histologiques : 45,8 % vs 29 %. Par ailleurs, l’association pertuzumab + trastuzumab seul a permis d’obtenir 16,8 % de réponses complètes(9). • L’essai Tryphaena a été conçu pour évaluer la tolérance cardiaque de l’association, y compris en association avec des anthracyclines. Il n’a pas été observé de différence entre les bras concernant la réponse complète histologique(10). T-DM1/pertuzumab L’essai Kristine est un essai de phase II randomisé en cours, qui compare TCHP + trastuzumab + pertuzumab à T-DM1 + pertuzumab. Une métaanalyse a été publiée qui conclut qu’en situation néoadjuvante, le double blocage, quelle que soit la chimiothérapie utilisée, augmente le taux de réponses complètes de 16 à 19 %(11). Situation adjuvante Transtuzumab/lapatinib L’essai ALTTO a comparé le lapatinib au trastuzumab et à l’association lapatinib + trastuzumab chez 8 381 patientes. À 4,5 ans de suivi, il n’a pas été mis en évidence de bénéfice statistiquement significatif en faveur de l’association L + T vs T (HR = 0,84 [0,70-1,02])(12). Sous lapatinib, on a noté plus de diarrhées, de rashs cutanés et de toxicité hépatique. Il n’y a pas eu de toxicité cardiaque surajoutée. Il n’a pas été observé de réduction de la survenue de métastases cérébrales, ce que l’on espérait grâce au lapatinib qui était censé, en raison de sa petite taille, mieux diffuser au niveau du système nerveux central. Ces résultats sont donc discordants avec ceux observés dans l’étude néo-adjuvante (NéoALTTO). Cela peut être lié au fait qu’il y a eu davantage d’arrêts de traitements sous lapatinib (23 % vs 15 %) et à une puissance statistique insuffisante dans cette étude pour montrer un bénéfice, alors que la survie à 5 ans est excellente, de l’ordre de 95 %. Trastuzumab/pertuzumab L’essai Aphinity randomise chimiothérapie + trastuzumab à l’association chimiothérapie + trastuzumab + pertuzumab. Il est en cours et nous n’avons pour le moment aucun résultat. Figure. Les agents anti-HER2 ayant l'autorisation de mise sur le marché. Au total Les études publiées ont mis en évidence un gain en faveur du double blocage, tant en situation néoadjuvante qu’en situation métastatique, sans effet délétère majeur en termes de cardiotoxicité. Nous ne savons cependant pas quelles sont les patientes qui nécessitent ce double blocage et c’est certainement un axe de recherche majeur. Nous attendons les résultats des études adjuvantes, les résultats de l’essai ALTTO étant cependant décevants. "Publié dans Gynécologie Pratique"

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