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Cancérologie générale

Publié le 10 déc 2021Lecture 6 min

Actualités de la thrombose chez les patients cancéreux

Michèle DEKER, Paris
Actualités de la thrombose chez les patients cancéreux

La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) survenant chez un patient cancéreux représente un vrai challenge thérapeutique. En effet, cette situation cumule un haut risque d’échec thérapeutique, de récidive de MTEV malgré le traitement anticoagulant et d’hémorragies majeures. Le traitement de référence, à savoir les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sans relais par les anti-vitamine K (AVK) réduit environ de moitié le risque de récidive, sans augmenter le risque hémorragique comparativement aux AVK(1). Depuis l’arrivée des anticoagulants oraux directs (AOD) qui ont fait l’objet de plusieurs essais thérapeutiques comparativement aux HBPM chez les malades cancéreux, la prise en charge de la MTEV dans ce contexte s’oriente vers une individualisation du traitement dans laquelle les AOD ont toute leur place.

Les deux principaux essais thérapeutiques dans la MTEV associée au cancer sont HOKUSAI Cancer(2) et CARAVAGGIO(3), deux essais ouverts de non-infériorité ayant inclus chacun plus de 1 000 malades, qui ont évalué respectivement l’edoxaban et l’apixaban versus daltéparine. Ces deux essais ont montré que les AOD sont au moins aussi efficaces que la daltéparine avec un profil de sécurité très satisfaisant pour l’apixaban mais une augmentation du risque d’hémorragie majeure pour l’edoxaban. Une métaanalyse récente regroupant tous les essais des AOD vs HBPM chez les malades atteints de cancer actif montre une meilleure efficacité des AOD (HR 0,63 ; 0,47-0,86), qui s’accompagne néanmoins d’une tendance non significative à l’augmentation des hémorragies majeures (HR 1,26 ; 0,84-1,90)(4). Choix du traitement initial Le traitement anticoagulant est recommandé en cas de MTEV associée au cancer si le cancer est actif (encadré 1). Les recommandations de bonne pratique pour la prise en charge de la MTEV associée au cancer ont récemment été mises à jour(5,6) pour tenir compte des résultats des essais comparatifs. Elles proposent de traiter les patients avec le même niveau de recommandation soit par HBPM sans relais AVK (grade 1), soit par apixaban (grade 1). En alternative, sauf cancer digestif ou urothélial, il est suggéré d’utiliser un traitement par edoxaban ou rivaroxaban (grade 2). Le choix du traitement initial se déroule en quatre étapes dans une démarche d’individualisation de la prise en charge. • Éliminer une insuffisance rénale sévère. En cas d’insuffisance rénale sévère, le schéma héparine non fractionnée (HNF) avec relais AVK est indiqué, même si les recommandations françaises suggèrent de recourir à une HBPM (tinzaparine). • Vérifier l’éligibilité à un essai AOD. Avant d’initier le traitement anticoagulant par AOD, il faut vérifier l’éligibilité du patient à un essai d’AOD tel que CARAVAGGIO(3). Dans cet essai, les critères d’exclusion comportaient notamment la prise d’antiagrégant plaquettaire (AAP) à pleine dose, les situations à risque hémorragique élevé (métastases cérébrales, anémie, thrombopénie). Les critères d’inclusion dans les essais sont variables selon les AOD ; ainsi dans les premiers essais avec l’edoxaban ont été inclus des malades ayant des thromboses digestives, ou en postopératoire, ou avec des tumeurs hématologiques, autant de situations considérées comme des critères de non-éligibilité dans d’autres essais. En outre, la majorité des essais excluent les sujets âgés, altérés, ayant un cancer persistant ou métastatique, une localisation cancéreuse à risque hémorragique, de même que les cancers associés à une MTEV asymptomatique. La question se pose aussi des interactions médicamenteuses. À cet égard, une récente série montre que la prise simultanée d’un traitement inducteur enzymatique (amiodarone, dronédarone, dilthiazem, vérapamil, érythromycine) augmente le risque hémorragique de 80 %(7). Un patient non éligible sera traité préférentiellement par HBPM sans relais AVK. • Préciser le type de tumeur pour individualiser le traitement. Le risque de récidive thromboembolique et le risque hémorragique varient selon le type de tumeur(8). Ainsi, le risque hémorragique est initialement plus élevé en cas de cancer du côlon alors que le risque de récidive MTEV augmente ultérieurement ; dans les cancers du poumon, le principal risque est celui de la récidive de MTEV sous traitement, quel que soit le traitement anticoagulant et plus encore avec les AOD. Les résultats de l’étude ancillaire Hokusai VTE Cancer qui évaluait l’edoxaban ont montré un sur-risque d’hémorragies gastriques sous edoxaban en cas de cancer gastro-intestinal(9). En cas de tumeur de la muqueuse, notamment gastro-intestinale ou génito-urinaire ou de résection digestive étendue, il est préférable de prescrire une HBPM sans relais AVK. • Tenir compte de la préférence du patient. Si le patient est éligible à un traitement AOD, il faudra tenir compte de sa préférence entre l’apixaban per os et une HBPM injectable. Un référentiel de prise en charge de la MTEV en cancérologie Des référentiels de bonne pratique sur les soins de support, actualisés régulièrement, sont disponibles sur le site de l’AFSOS (www.afsos.org). Le référentiel consacré à la prise en charge de la MTEV en cancérologie se justifie par la fréquence des MTEV chez les patients atteints de cancer. Les progrès thérapeutiques en oncologie permettent à un nombre croissant de patients de vivre longtemps en rémission de leur cancer, mais le risque thrombotique persiste. • La première question qui se pose avant d’opter pour un traitement est de déterminer s’il existe un risque hémorragique : maladie intestinale inflammatoire chronique, hémorragies digestives récentes, traitement gastro-toxique, hypoplaquettose, dysfonction rénale, saignements récents et/ou graves, lésion intracrânienne, traitement antiplaquettaire. Certaines tumeurs muqueuses (gastro-intestinales ou uro-gynécologiques) sont à risque hémorragique, de même que les tumeurs non réséquées. En l’absence d’interaction médicamenteuse et de situation à risque hémorragique élevé, le choix peut s’orienter directement sur un AOD, sans traitement préalable par HBPM. Certaines situations présentent des difficultés particulières : une embolie pulmonaire ou une thrombose proximale chez un patient avec une vraie contre-indication aux anticoagulants doit faire envisager la pose d’un filtre cave temporaire avec reprise ultérieure du traitement anticoagulant ; refus ou impossibilité d’administrer une HBPM au long cours (relais AVK/AOD) ; insuffisance rénale sévère (HNF avec relais AVK) ; défaillance circulatoire liée à une EP (thrombolyse et HNF). • Un traitement anticoagulant au long cours peut être envisagé en raison de la chronicité de la maladie cancéreuse, au minimum de 6 mois en réévaluant sa tolérance, l’état du patient et sa préférence. Un traitement bien toléré sera poursuivi, si possible par voie orale. En cas de traitement par HBPM au long cours, il n’est pas nécessaire de rechercher systématiquement une thrombopénie induite par l’héparine, complication rarissime. • La survenue d’une récidive de MTEV sous traitement anticoagulant n’est pas rare. Après avoir vérifié l’observance du traitement, il faudra adapter le traitement : switch AOD/HBPM, AVK/HBPM à dose curative, ajustement de la dose d’AVK ou augmentation des doses d’HBPM. La récidive est souvent associée à un échappement thérapeutique de la maladie cancéreuse et facteur de mauvais pronostic. • Une thrombopénie sous traitement anticoagulant peut être liée au traitement anticancéreux. Faut-il faire une prévention systématique de la MTEV ? La réponse est positive chez un patient avec un cancer hospitalisé pour une pathologie médicale aiguë. En revanche, une prévention systématique n’est pas recommandée si le patient est traité par chimiothérapie, hormonothérapie ou thérapie ciblée. La décision d’instituer un traitement anticoagulant préventif est prise au cas par cas en fonction des facteurs de risque et en tenant compte du bénéfice antithrombotique/risque hémorragique. Le score de Khorana permet d’évaluer le risque thromboembolique veineux à 3 mois chez les patients ambulatoires devant recevoir une chimiothérapie (encadré 2). Quels sont les risques pharmacologiques de l’association antitumoraux et AOD ? Les AOD n’ont pas — ou peu — d’effet attendu sur le traitement antitumoral alors que ce dernier peut interagir avec l’AOD. Il est donc recommandé de vérifier le risque d’interaction pharmacologique ou pharmacocinétique avant de débuter le traitement par AOD dans le cadre d’une RCP associant l’oncologue, un médecin vasculaire et un pharmacien. L’éligibilité au traitement AOD tient compte de la pharmacologie de l’AOD (absorption, biodisponiblité, métabolisme par le CYP3A4 et substrats de P-gp, index thérapeutique), des facteurs de risque de sur/sous-exposition à l’AOD et des facteurs de risque hémorragiques. D’après une émission avec le soutien institutionnel de l'Alliance BMS-Pfizer avec la participation du Pr Laurent BERTOLETTI et du Dr Didier MAYEUR, modérée par le Dr Pierre SABOURET

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