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Pneumologie

Publié le 25 jan 2023Lecture 6 min

Immunothérapie des cancers bronchiques non à petites cellules aux stades localisés et localement avancés, où en sommes-nous en 2023 ?

Édouard AUCLIN, Matthieu ROULLEAUX-DUGAGE - Service d’oncologie médicale, Hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP Centre, Université Paris Cité

L‘immunothérapie a modifié de façon importante le paysage thérapeutique de nombreux cancers dont les cancers bronchiques. Aux stades métastatiques, le traitement des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) contient de façon systématique un anti-PD1 en l'absence de mutation activatrice. Très récemment les inhibiteurs de points de contrôle du système immunitaire (ICI) ont été évalués à des stades précoces, avec des résultats encourageants. Nous allons reprendre ici l’état des connaissances concernant les ICI dans la prise en charge des stades localisés et localement avancés des CBNPC.

  L’immunothérapie en entretien, un standard de traitement chez les patients localement avancés inopérables Les stades localement avancés (stades III) sont les premiers stades précoces à avoir bénéficié des ICI. L’administration d’une année de durvalumab (anti-PD-L1) en traitement de consolidation a montré son intérêt après radiochimiothérapie pour les patients ayant un CBNPC localement avancé (stade III). Un total de 709 patients a été randomisé dans l’étude PACIFIC entre une année de durvalumab ou un placebo(1). Ces patients étaient préalablement traités par une radiochimiothérapie à base de sels de platine, et n’avaient pas progressé au terme de ce traitement. Le durvalumab a augmenté de façon significative la médiane de survie globale (47,5 mois vs 29,1 mois ; HR 0,72 [IC95% : 0,59-0,89]), ainsi que la survie sans progression (16,9 mois vs 5,6 mois ; HR 0,55 [IC95% : 0,45-0,68]). À 5 ans : – 42,9 % des patients du bras durvalumab étaient toujours en vie (vs 33,4 % dans le bras placebo) ; – 33,1 % des patients du bras durvalumab étaient toujours en vie sans progression de la maladie (vs 19 %)(2). Les analyses post-hoc selon le statut PD-L1 ne montraient pas de bénéfice de l’immunothérapie d’entretien, mais il faut prendre ces résultats avec beaucoup de précaution. En effet, la détermination du statut PD-L1 n’était pas un critère d’inclusion ni de stratification dans l’étude. Les recommandations n’excluent donc pas la population ayant une expression de PD-L1 < 1 %. Fort de ces résultats, le durvalumab en entretien après une radiochimiothérapie pour un CBNPC localement avancé (stade III) est devenu le traitement standard.   État des lieux de l’immunothérapie aux stades localisés, opérables Plusieurs stratégies sont à l’étude dans ces stades : administration adjuvante, néoadjuvante, ou périopératoire des ICI.   Première autorisation de mise sur le marché pour l’atézolizumab en situation adjuvante L’essai IMPower 010 évaluait l’intérêt de l’ajout d’un an d’atézolizumab en adjuvant après une chimiothérapie adjuvante (1 à 4 cycles) à base de sel de platine(3). Les patients inclus avaient été opérés pour un CBNPC de stade IB à IIIA. Au total, 1 005 patients ont été randomisés entre l’atézolizumab et une surveillance. L’atézolizumab a permis d’augmenter significativement la survie sans maladie (SSM, critère de jugement principal) dans la population en intention de traiter (médiane non atteinte dans le bras expérimental vs 37,2 mois, HR 0,81 [IC95% : 0,67-0,99] ; p = 0,04). Dans le sous-groupe des patients ayant un CBNPC de stade II-IIIA avec une expression de PD-L1 ≥ 1 % le bénéfice de l’ICI était plus important (HR 0,66 [IC95% : 0,50-0,88] ; p = 0,0039). Dans ce sous-groupe il existait aussi une tendance à l’amélioration de la survie globale (SG), non retrouvée dans la population en intention de traiter. Il faut noter que l’analyse des patients ayant une expression de PD-L1 ≥ 50 % retrouvait des résultats encore plus encourageant (HR pour la SSM 0,43 [IC95% : 0,27-0,68] et HR pour la SG 0,43 [IC95% : 0,24-0,78). Ces résultats ont permis à l’atézolizumab d’obtenir une AMM au niveau de l’Agence européenne du médicament dans cette indication chez les patients ayant une tumeur avec expression de PD-L1 ≥ 50 %. Il n’y a, à ce jour, pas encore de remboursement. De façon similaire, l’étude PEARLS/KEYNOTE 091 a évalué l’efficacité du pembrolizumab (1 an de traitement) après chirurgie et chimiothérapie adjuvante chez des patients atteints de CBNPC(4). Ici le critère de jugement principal était la SSM dans la population en intention de traiter et chez les patients ayant une forte expression de PD-L1 (≥ 50 %). La SSM était significativement augmentée dans la population en intention de traiter (HR 0,76 [IC95% : 0,63-0,91] ; p = 0,001) mais, de façon surprenante, pas dans la population exprimant fortement PD-L1. Les données de survie globale de cette étude n’étant pas encore matures, il faudra attendre avant de pouvoir interpréter pleinement ces résultats.   Chimiothérapie et immunothérapie néoadjuvante, une combinaison gagnante ? Il existe plusieurs essais thérapeutiques non randomisés de phase II évaluant l’efficacité de l’immunothérapie néo-adjuvante en monothérapie. Entre 1 et 3 injections d’ICI étaient réalisées, et permettaient d’obtenir un taux de réponse pathologique majeure variant de 18 % à 45 %. La première étude de phase III randomisée testant les ICI en néoadjuvant est l’étude Checkmate 816. Elle comparait l’adjonction 3 cycles de nivolumab à la chimiothérapie néoadjuvante à base de sels de platine chez les patients (n = 179 dans chaque bras) atteints d’un CBNPC de stade IB à IIIA(5). Les patients ayant des altérations moléculaires (EGFR et ALK) étaient exclus. Le critère de jugement principal était la survie sans maladie, et la réponse pathologique figurait parmi les critères de jugement secondaires. L’ajout du nivolumab a permis d’augmenter de façon significative la SSM : 31,6 mois dans le bras expérimental, contre 20,8 mois dans le bras chimiothérapie seule (HR 0,63 [IC95% : 0,43-0,91] ; p = 0,005). La réponse pathologique majeure (persistance de moins de 10 % de cellules tumorales viables) était aussi augmentée chez les patients traités par nivolumab et chimiothérapie : 36,9 % (vs 9 % dans le bras contrôle) et les réponses pathologiques complètes étaient retrouvées chez 24 % des patients (vs 2,2 %). Les données de SG n’étaient pas matures, et seront présentées prochainement. La principale crainte lors d’une stratégie néoadjuvante est la contre-indication chirurgicale en lien avec une progression ou une complication du traitement néoadjuvant. Dans l’étude Checkmate 816, 16,8 % des patients n’ont pu être opérés. En regroupant les données de toutes les études disponibles (incluant des études non randomisées et d’effectifs moindres) le taux de patients non réséqués est d’environ 10 % après un traitement néoadjuvant comprenant un ICI. Certaines critiques pourraient être posées concernant le bras comparateur (chimiothérapie néoadjuvante seule) qui n’est pas un bras standard en France. D’autres études ainsi que les données de survie globale seront décisives pour déterminer si l’association nivolumab-chimiothérapie néoadjuvante peut devenir le standard de traitement en situation localisée.   Autres stratégies thérapeutiques périopératoires Les études portant sur les stratégies postopératoires sont peu nombreuses. Les essais de phase II NADIM (n = 46)(6) et NADIM II (n = 86)(7) ont montré l’intérêt de l’administration du nivolumab à la chimiothérapie néoadjuvante avec poursuite du nivolumab en adjuvant pour 12 mois (NADIM) ou 6 mois (NADIM II). Seule l’étude NADIM II était randomisée : chimiothérapie néoadjuvante + ICI périopératoire contre chimiothérapie néo-adjuvante seule. Dans l’étude NADIM, le taux de réponse pathologique majeure était de 83 %, et dans l’étude NADIM II il était de 52,6 % (vs 13,8 % dans le bras chimiothérapie seule). De plus, l’essai NEOSTAR a randomisé 44 patients entre du nivolumab (n = 23) ou la combinaison nivolumab-ipilimumab (n = 21) en néoadjuvant, suivi d’une chimiothérapie adjuvante si elle était indiquée(8). Dans cet essai, 11 % des patients n’ont pas été opérés à l’issue du traitement pré opératoire. Une réponse pathologique majeure était observée chez 24 % des patients opérés du groupe nivolumab, et 50 % des patients traités par nivolumab-ipilimumab (dont 38 % de réponses pathologiques complètes). Les résultats de survie de ces essais seront très intéressants pour le choix de la stratégie optimale, même s’ils devront être validés dans de plus grandes cohortes.   Conclusion • L’immunothérapie est en train de se faire une place aux stades précoces des CBNPC. • Le durvalumab en entretien est devenu le standard de traitement après une radiochimiothérapie dans les CBNPC de stade III. • L’atézolizumab a obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne en adjuvant, après chimiothérapie adjuvante, chez les patients ayant une tumeur exprimant PD-L1 à plus de 50 %. • Les stratégies néoadjuvantes et périopératoires avec le nivolumab, seul ou associé à l’ipilimumab, ont donné des premiers résultats intéressants qui nécessitent plus de recul et d’effectifs pour être adoptés comme traitements standards. • Les perspectives qui s'ouvrent dans le traitement des stades localisés ou localement avancés comprennent des associations d'anti-PD1/L1 avec d'autres inhibiteurs de points de contrôle du système immunitaire (anti-TIGIT, ciblage des récepteurs NKG2A, etc.). Dans tous les cas, la recherche de biomarqueurs prédictifs d’efficacité sera un enjeu important comme pour le stade métastatique.

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