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Gynécologie & Sénologie

Publié le 22 fév 2023Lecture 5 min

Prise en charge chirurgicale des patientes mutées BRCA présentant un cancer infiltrant du sein

Katia MAHIOU*, Charles COUTANT*,** - *Département de chirurgie oncologique, Centre Georges François Leclerc Cancer Center - UNICANCER, Dijon, **Université de Bourgogne Franche-Comté, Dijon

Les mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 sont retrouvées chez 3 à 4 % des patientes atteintes de cancer du sein(1,2). À 80 ans, on estime le risque cumulé de développer un cancer invasif à 72 % pour les patientes porteuses d’une mutation BRCA1 et à 69 % pour les patientes porteuses d’une mutation BRCA2(3). Alors que la prise en charge chirurgicale prophylactique (mastectomie bilatérale, annexectomie bilatérale) fait l’objet de recommandations internationales et nationales ; la chirurgie à réaliser pour la prise en charge d’un cancer du sein chez ces patientes est controversée(4). Il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude prospective randomisée comparant une chirurgie conservatrice versus une mastectomie totale. Chez ces patientes, la chirurgie réalisée doit prendre en compte le risque de récidive homolatérale, controlatérale et métastatique ainsi que la sécurité oncologique de ces deux stratégies chirurgicales.

  Quelle prise en charge chirurgicale pour le sein atteint ? Dans la méta-analyse de Nara et coll. portant sur 13 études rétrospectives et comparant 701 femmes BRCA1/2 à 4 788 femmes témoins, le risque de récidive ipsilatérale est significativement augmenté par rapport à une population indemne de mutation (RR = 1,589 ; IC95% [1,247-2,024], p < 0,001) et ce risque persiste dans le temps (8 études avec un suivi supérieur à 7 ans (RR = 1,505 ; IC95% [1,184-1,913], p < 0,001)(5).   Taux de récidive homolatérale chez les patientes BRCA mutées par rapport à une population indemne de mutation(5) Les gènes BRCA sont impliqués dans la recombinaison homologue des cassures double brin de l’ADN. La radiothérapie adjuvante en cas de chirurgie conservatrice entraîne des cassures double brin au niveau des cellules mammaires(6,7). En cas de mutation de ces gènes, un défaut de recombinaison homologue serait donc susceptible d’entraîner une augmentation du risque de récidive homolatérale. Si le risque de récidive est augmenté en cas de traitement conservateur, la survie globale n’est pas modifiée par le choix du traitement chirurgical. Dans les études de Co et coll. et Davey et coll., il n’y a pas de différence significative en termes de survie globale à 5 ans, 10 ans ou 15 ans de la prise en charge(8,9).   Taux de survie globale à 5 ans, 10 ans et 15 ans entre traitement conservateur et mastectomie(8,9) Du fait de l’absence d’étude prospective comparant les deux stratégies le NCCN (National Comprehensive Cancer Network) ainsi que l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) recommandent de discuter avec la patiente du choix de la prise en charge en prenant notamment en compte l’âge et les caractéristiques clinico-pathologiques des lésions(10,11).   Place de la reconstruction mammaire immédiate La conservation de l’étui cutané et de la plaque aréolo-mamelonnaire n’est pas contre-indiquée chez les patientes BRCA mutées présentant un cancer du sein infiltrant. Dans l’étude de Manning et coll. portant sur 26 patientes, on ne retrouvait pas de récidive locorégionale et un taux de complications postopératoire faible(12). Dans l’étude de Yao et coll. étudiant la survie sans récidive de 51 patientes, on comptait 2 récidives axillaires et une récidive à distance(13). Pour des patientes sélectionnées et si l’introduction des traitements adjuvants n’est pas impactée, la mastectomie avec reconstruction mammaire immédiate (RMI) et conservation de la plaque aréolo-mamelonnaire est un option thérapeutique qui doit être proposée aux patientes pour limiter le risque de récidive homolatérale avec un faible taux de complication et un impact positif sur la qualité de vie des patientes(14).   Quelle prise en charge pour le sein controlatéral ? Vingt ans après le premier cas de cancer invasif, le risque cumulé de développer un cancer controlatéral est de 40 % pour les patientes mutées BRCA1 et de 26 % pour les patientes mutées BRCA2(3). Les mesures de réduction du risque de cancer du sein controlatérale sont diverses et la surveillance simple est souvent préférée par les patientes à la mastectomie prophylactique qui est une méthode invasive pouvant altérer la qualité de vie(15,16). Dans l’étude de Van den Broek et coll.(17), le risque cumulé de cancer du sein controlatéral à 10 ans est de 21,1 % pour les BRCA1 mutées et de 10,8 % pour les BRCA2 mutées, soit deux à trois fois plus que pour les non mutées (HR 3,31 pour les BRCA1 et HR 2,17 pour les BRCA2). Cette différence est également influencée par l’âge au diagnostic du cancer infiltrant (risqué cumulé à 10 ans de cancer du sein controlatéral : 24 % pour les mutées BRCA1/2 pour un cancer diagnostiqué avant l’âge de 41 ans et 13 % pour un premier cancer diagnostiqué entre 40 et 49 ans). Si la chirurgie prophylactique du sein controlatéral diminue l’incidence des cancers par rapport à une simple surveillance on ne retrouve pas dans la littérature de différence en termes de survie globale. La réalisation d’une chirurgie controlatérale prophylactique doit être balancée avec le pronostic du sein atteint et ne doit en aucun cas augmenter le délai d’instauration des traitements adjuvants du sein atteint. Risque de cancer controlatéral en fonction de l’âge(3)   Temporalité du diagnostic de mutation par rapport à la chirurgie La connaissance de la présence d’une mutation BRCA par la patiente et/ou le praticien prenant en charge la patiente peut avoir un effet sur le choix de la chirurgie. En cas de facteur de risque de mutation anatomopathologique ou personnelle, le statut BRCA doit être recherché pour ajuster les traitements adjuvants en fonction des résultats. Dans l’article de Park et coll. portant sur 164 patientes, il existe une différence significative sur la chirurgie réalisée en fonction de la connaissance ou non du statut BRCA, une mastectomie totale est réalisée de manière préférentielle en cas de connaissance de la mutation (p = 0,017)(18). En revanche, on ne retrouve pas de différence en termes de récidive homolatérale (p = 0,765), ou controlatérale (p = 0,69) dans cette étude.   La chirurgie dans une prise en charge oncologique globale Les cancers infiltrants chez les patientes BRCA mutées représentent 10 à 20 % des cancers du sein triples négatifs(19,20). La chimiothérapie néoadjuvante (CNA) permet de diminuer la charge tumorale et d’augmenter le taux de réponse histologique complète qui est un facteur pronostique indépendant en termes de survie sans récidive et de survie globale. Chez ces patientes avec des profils tumoraux prolifératifs majoritaires (triple négatifs, luminaux B), la CNA permet d’augmenter le taux de chirurgie conservatrice mais aussi de faciliter les gestes chirurgicaux en cas de RMI(21). Les recommandations européennes sur les tests génétiques pour le diagnostic des mutations germinales BRCA restent pour le moment limitées à des histoires familiales ou personnelles codifiées(22). Dans les prochaines années, la recherche du statut BRCA sera un atout majeur pour la prise en charge des cancers du sein, notamment avec l’intégration des recherches génomiques par NGS (Next Generation Sequencing) et le développement des thérapies ciblées par inhibiteurs de PARP(23). La question de la sécurité oncologique de la chirurgie conservatrice ou non conservatrice sera donc une question centrale dans la prise en charge des patientes mutées BRCA.   Conclusions La chirurgie chez les patientes BRCA mutées atteintes d’un cancer n’est pas standardisée et les différents risques de récidive et de survie globale doivent être expliqués et discutés avec les patientes en fonction des caractéristiques tumorales, de leur âge et de leur histoire personnelle. Le développement de la reconstruction mammaire immédiate semble une stratégie prometteuse pour limiter les taux de récidive en préservant la qualité de vie des patientes.

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