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SFH 2023

Publié le 19 avr 2023Lecture 6 min

Toxicités des thérapies ciblées dans la LLC - Sécuriser la prise en charge

D’après la communication d’Anne-Sophie Michallet, Centre Léon Bérard, Lyon – SFH, 29-31 mars 2023

Les toxicités des thérapies ciblées, iBTK et/ou iBCL2, dans la LLC doivent être connues pour être anticipées et éviter ainsi les interruptions, voire les arrêts de traitement qui impactent les taux de survie globale. Il faut sécuriser la prise en charge en prenant des mesures de prévention individualisée. Se méfier des toxicités cumulatives liées aux nouvelles combinaisons thérapeutiques.

 

La LLC est une hémopathie maligne fréquente du sujet âgé (3,5 cas/100 000 hab/an) ; la médiane d’âge au diagnostic est de 72 ans. Ces patients sont à risque de développer des toxicités iatrogéniques car c’est une population vulnérable et fragile avec souvent des comorbidités (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire…) et une polymédication (plus de 5 médicaments/j selon la HAS), voire une polymédication excessive (plus de 10 médicaments/j), associée qui augmente le risque d’interactions médicamenteuses et donc le risque iatrogénique(1). La maladie elle-même accroît le risque iatrogénique du fait du déficit de l’immunité adaptative (cellulaire et humorale) et inné que la LLC induit. D’où la majoration du risque infectieux (1re cause de décès chez les patients atteints de LLC) avec une incidence accrue des infections bactériennes (septicémies à pneumocoques) liées à une hypogammaglobulinémie, une neutropénie, un déficit immunitaire des cellules T (induits ou majorés par les traitements). Il existe également un déficit de l’immunité humorale vaccinale lié à une insuffisance médullaire, des cytopénies auto-immunes, un syndrome de Richter, une incidence accrue d’autres cancers. Cette population a une espérance de vie qui augmente avec les nouveaux traitements ; il faut donc connaître les toxicités de ces nouvelles thérapies et savoir les gérer car les traitements interrompus en raison de toxicités impactent la survie(2,3).   Des toxicités liées à un « effet off target »   Inhibiteurs de BTK Les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (iBTK) peuvent être à l’origine de fibrillation atriale et d’hémorragies. L’essai RESONATE a objectivé des effets indésirables de grades 3 et 4 (suivi à 6 ans)(4). Avec les iBTK, en particulier avec l’ibrutinib, les toxicités cardiaques sont précoces (1-3 mois), multiples (hypertension, troubles de la conductions, insuffisance cardiaque, etc.) et graves (arythmies ventriculaires, arythmies supraventriculaires FA)(5). Les arythmies cardiaques supraventriculaires sont les complications cardiovasculaires les plus fréquentes observées. Dans une étude de cohorte prospective multicentrique avec un suivi cardio-oncologique systématique, le risque de FA lié à l’ibrutinib était de 38 % à 2 ans (x 15) et peut conduire à des AVC, au décès, à une dysfonction VG, une démence, une dépression, une altération de la qualité de vie de plus de 60 %(5). La majorité des cas sont survenus chez des patients asymptomatiques dans les premiers mois suivant l’initiation de l’ibrutinib, justifiant une surveillance standardisée et rapprochée pendant cette période. Le risque de FA dépend du kinome hors cible de médicaments et est plus faible avec les iBTK de deuxième génération. Les stratégies de combinaisons de thérapies ciblées augmentent encore davantage ce risque. Que doit-on faire ? Il faut améliorer la tolérance par davantage de spécificités pour la protéine BTK avec des iBTK de nouvelle génération tels que l’acalabrutinib dont la toxicité cardiaque est améliorée avec moins d’HTA et de FA mais il persiste des effets « off target » avec pour cibles les plaquettes, le cœur(6). Le zanubrutinib grâce à une meilleure spécificité a un profil de tolérance amélioré pour les patients traités pour une LLC R/R. On observe moins d’événements cardiologiques avec le zanubrutinib comparativement à l’ibrutinib, avec également moins d’événements cardiaques fatals dans le bras zanubrutinib versus le bras ibrutinib(7). La toxicité des iBTK entraîne des réductions de dose, des arrêts prématurés de traitements et des interruptions de dose, moins fréquemment avec les iBTK de nouvelle génération dans les LLC R/R. Il faut sécuriser la prise en charge des patients sous inhibiteurs de BTK. Une évaluation du risque cardiovasculaire s’impose avec la recherche d’antécédents cardiovasculaires détaillés, une prise de PA et un ECG. Et chez les patients âgés et/ou avec antécédents CV, la réalisation d’un holter et d’une échocardiographie avant tout traitement, demander si besoin un avis cardiologique. Il faut également une analyse approfondie des co-médications à la recherche d’inducteurs et d’inhibiteurs du CYP3A4, d’anticoagulants et de traitements antiplaquettaires. C’est une évaluation tripartite du médecin, du pharmacien et de l’infirmière. L’enjeu est à la fois sécuritaire et financier(8). Le programme AMA TC, programme de suivi ambulatoire faisant appel à des infirmières de coordination, sous l’égide du groupe FILO-LLC, répond à 6 objectifs permettant de préserver la continuité des soins — ce programme a fait l’objet d’une étude rétrospective qui a inclus 458 patients issus de 10 centres référents, exposés durant plus de 12 mois à l’ibrutinib(9) ; les 6 objectifs étaient : – sécurisation des soins ambulatoires et éducation thérapeutique ; – dépistage précoce des effets indésirables des traitements et réponse rapide aux besoins des patients ; – prise en charge globale du patient avec dépistage des fragilités ; – amélioration de la prise en charge des patients âgés et/ou comorbides atteints d’hémopathies ; – amélioration de l’adhésion et du suivi des traitements, tout en évitant la diminution des doses ; – renforcement des liens avec les professionnels du domicile (médecin traitant, IDE libérales, pharmacien, réseaux de soins…). Le programme AMA TC a amélioré la survie globale des patients qui ont bénéficié de ce suivi rapproché qui a permis de réduire les arrêts prématurés de traitement de 50 % et les décès toxiques de 30 %(10). La toxicité hémorragique est peu différente entre les iBTK(7,11). Elle concernait dans l’étude RESONATE(4) un peu plus de 3 % des patients, ces événements hémorragiques étaient le plus souvent de grade 1-2, apparaissaient précocement et ne nécessitaient pas de modification de dose(12). Un point de vigilance concernant les infections avec une possible survenue d’infections graves et torpides dans les LLC R/R : pneumocystose, infections fongiques. Ces dernières apparaissent dans les 3 premiers mois et sont essentiellement des aspergilloses invasives avec 40 % de localisation cérébrale ; les facteurs de risque associés sont une neutropénie, des corticostéroïdes et une chimiothérapie reçue dans les 6 mois(13-15). • Inhibiteurs de BCL2 Spécificités du traitement par vénétoclax • Initiation du traitement – Évaluation du risque de syndrome de lyse tumorale (facteurs de risque : masse tumorale élevée, fonction rénale altérée, comorbidités telles qu’une splénomégalie, valeurs biologiques initiales anormales, déshydratation…) ; – mesures de prévention (hypo-uricémiants, hydratation, surveillance) ; – juin 2021 : recommandations actualisées de l’ANSM selon des niveaux de risque : https://ansm.sante.fr/informations-de-securite/venclyxto-r-v-venetoclax-comprimes-pellicules-recommandations-actualisees-concernant-le-syndrome-de-lyse-tumorale-slt-chez-les-patients-atteints-de-leucemie-lymphoide-chronique. • Sous traitement : – toxicité hématologique ; – diarrhées. • Analyse post-hoc de l’essai Murano(16) – diminution de la survie sans progression si arrêt précoce et définitif du vénétoclax pour effets indésirables ; – pas de diminution de la survie sans progression (SSP) si interruption du traitement pour effets indésirables puis reprise (à pleine dose ou à une dose inférieure). → Il faut savoir adapter le traitement   Points clés de l’initiation de traitement dans des situations particulières • Insuffisance rénale légère ou modérée (ClCr* ≥ 30 mL/min et < 90 mL/min) – aucune adaptation posologique n’est nécessaire ; – une prophylaxie et surveillance plus intensives peuvent être nécessaires pour réduire le risque de syndrome de lyse tumorale au début du traitement et pendant la phase de titration. • Insuffisance rénale sévère (ClCr* < 30 mL/min) ou dialyse – la sécurité n’a pas été établie : la dose recommandée n’a pas été déterminée ; – le vénétoclax ne doit être administré que si les bénéfices l’emportent sur le risque encouru ; – surveillance étroite des patients afin de détecter tout signe de toxicité. Il existe des interactions médicamenteuses avec le vénétoclax via le CYP3A4 imposant : • Analyse approfondie des traitements associés lors de l’initiation du traitement – envisager une dé-prescription des médicaments non indispensables ; – envisager une adaptation de dose en cas d’interaction potentielle (cf. RCP). • Information du patient et du médecin traitant sur le risque d’interactions médicamenteuses – vigilance pour toute nouvelle prescription ; – avis pharmacien si besoin ; – éviter l’automédication et les compléments alimentaires. Les toxicités hématologiques sont les plus fréquentes, principalement dans les premières semaines du traitement mais parfois plus tardive et durable(16-19). Les patients LLC sont à risque infectieux, ce d’autant lorsque le vénétoclax est associé à un anti-CD20 ; on observe 10 à 20 % d’infections en contexte neutropénique ou pas. Il existe peu de données sur le risque d’infections opportunistes. Une prophylaxie de prudence pour tous est instaurée à base de valaciclovir ou de cotrimoxazole. La survenue de seconds cancers essentiellement hématologiques (LAM et SMD) est observée concernant l’association obinutuzumab + vénétoclax(17,20). Les combinaisons associant iBCL2 et iBTK sont à l’origine de toxicités cumulatives (hématologiques et cardiologiques) et la survenue de décès(21). Sylvie LE GAC, Paris

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