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Gynécologie & Sénologie

Publié le 31 aoû 2023Lecture 8 min

Myome utérin ou léiomyosarcome ? That is the question

Patrice TAOUREL, Département d’imagerie médicale Lapeyronie, CHU de Montpellier

L’objectif de cet article est de faire le point sur les arguments en faveur d’un sarcome devant une tumeur myométriale qui, dans la très grande majorité des cas correspondent à un myome, en insistant sur l’apport de l’IRM et le développement de nouvelles procédures diagnostiques que sont les biopsies percutanées et l’analyse moléculaire de la tumeur. Il nous faut donc répondre à la question suivante : quels sont les éléments en faveur d’un léiomyosarcome devant une tumeur myométriale ?

Le problème du diagnostic différentiel entre léiomyome bénin et léiomyosarcome est une situation relativement fréquente en pratique clinique, d’autant plus que la prévalence des léiomyosarcomes, certes basse augmente, et que des patientes plus jeunes sont atteintes. La fréquence des léiomyomes est très nettement supérieure à celle des léiomyosarcomes puisqu’il est considéré qu’environ 20 % des femmes a ou aura un léiomyome alors que moins d’une femme sur 10 000 aura un léiomyosarcome. Le risque de découvrir un sarcome au cours d’une chirurgie d’un léiomyome considéré comme bénin est évalué au maximum à 1 sur 400. Ce chiffre bien que bas est considéré comme inacceptable car le traitement de ces deux entités est très différent. Un sarcome doit être traité par une hystérectomie totale sans aucun morcèlement tumoral alors qu’un myome peut être traité par une myomectomie, une chirurgie mini-invasive et que la tumeur peut être morcelée au cours de l’exérèse, ce qui est associée à une moindre morbidité et à une durée d’hospitalisation plus courte. De plus, chez les patientes en âge de procréer, la conservation de la fertilité peut évidemment être un enjeu important et remettre en question une hystérectomie programmée. L’objectif est donc double : ne pas inquiéter inutilement les patientes dans la majorité des cas et leur épargner une hystérectomie radicale, d’une part, mais savoir, d’autre part, ne pas passer à côté d’un léiomyosarcome pour lequel un retard diagnostique et une prise en charge chirurgicale inadaptée aggraveraient le pronostic. Des sarcomes autres que le léiomyosarcome existent, comme le sarcome du stroma endométrial par exemple, mais c’est bien les léiomyosarcomes qui posent des problèmes de diagnostic différentiel avec les léiomyomes. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques d’un léiomyome ou d’un léiomyosarcome et dépendent plus du volume tumoral. Ces deux pathologies peuvent entrainer des ménorragies, des pesanteurs pelviennes, une infertilité ou une pollakiurie liée à la compression vésicale. Le seul argument en faveur d’un léiomyosarcome est le développement rapide d’une tumeur myométriale après la ménopause, même si ce signe est non spécifique et de valeur que chez une patiente ménopausée sans traitement hormonal substitutif.   Les signes d’imagerie Échographie L’échographie est souvent l’examen qui aura détecté une pathologie myométriale. Les aspects de léiomyome et de léiomyosarcome sont proches en échographie. Cependant, un certain nombre de signes doivent être considérés comme potentiellement suspects : une grande taille tumorale, des bords irréguliers, une nécrose centrale, une importante vascularisation en Doppler couleur. Devant tout léiomyome atypique en échographie, une IRM est recommandée. IRM Les conditions de réalisation et d’interprétation d’une IRM doivent être rappelées. Le protocole d’une IRM pour différencier léiomyome et léiomyosarcome est le suivant : – séquences pondérées en T2 dans le plan axial et sagittal, au minimum ; – séquences pondérées en T1 dans le plan axial ; – séquences pondérées en T1 avec saturation de graisse dans le plan axial ; – séquences de diffusion avec cartographie ADC dans le plan axial ; – séquences après injection de produit de contraste dans le plan où la tumeur est la mieux vue, souvent le plan axial. L’interprétation du signal tumoral dépend de la séquence IRM : – le signal T2 d’un myome s’évalue en le comparant avec les muscles glutéaux et les liquides purs : • un hyposignal T2 correspond à un signal égal à celui des muscles glutéaux, il est à noter que le signal T2 qui doit être pris en compte est celui des portions tissulaires du myome, c’est-à-dire les portions non nécrotiques ou non hémorragiques, • un signal intermédiaire T2 correspond à un signal supérieur à celui des muscles mais inférieur à celui l’eau (comme par exemple vessie), • un hyper-signal T2 est supérieur au signal de l’eau ; – le signal tumoral en T1 s’interprète en comparaison de la graisse de la moelle osseuse. En cas d’hypersignal T1, la séquence en saturation de graisse permet de caractériser de la graisse. Un contingent graisseux macroscopique est caractéristique d’un lipoléiomyome, toujours bénin. Ce point est très important car un lipoléiomyome a souvent un aspect hétérogène en T2 et après injection qui peut être faussement inquiétant, il faut donc toujours s’astreindre à rechercher de la graisse macroscopique dans un myome d’aspect hétérogène ; – l’intensité du signal sur la séquence en diffusion s’évalue en comparaison du signal de l’endomètre. Le signal en diffusion doit être évalué sur les portions rehaussées car un fibrome en nécrobiose (nécrose hémorragique), et donc non rehaussé, entraînera un hypersignal en diffusion avec un ADC bas suspect sur la seule diffusion. La mesure de l’ADC (apparent diffusion coefficient) doit se faire dans la zone tumorale rehaussée la plus noire sur la cartographie ADC. Il n’y a pas de signe pathognomonique de léiomyosarcome en IRM mais un faisceau d’argument devant aboutir un compte rendu de myome d’aspect atypique suspect de léiomyosarcome (figure 1). Ces arguments sont les suivants : – un myome volumineux et surtout de croissance rapide (par exemple ayant doublé de taille en 6 mois) ; – un signal T2 intermédiaire, ou dans une moindre mesure élevé puisqu’en général l’hypersignal T2 correspond à un myome kystique s’il n’est pas rehaussé ou à un myome myxoïde s’il est rehaussé ; – une tumeur hétérogène avec des zones de nécrose et/ou d’hémorragie ; – des contours irréguliers, c’est-à-dire anguleux de la tumeur, à différencier de contours macro-lobulés en faveur de la bénignité ; – de gros vaisseaux intratumoraux se traduisant par des zones vides de signal (flow voids) ; – une restriction de la diffusion avec un hyper-signal b1000 supérieur à celui de l’endomètre ; – la présence de ganglions bien que les sarcomes soient peu lymphophiles et surtout la présence d’implants péritonéaux suspects ; il s’agit d’un argument très discriminant lorsque ces lésions sont présentes, insuffisamment recherché. La mesure de l’ADC est importante pour caractériser la tumeur. En cas d’ADC inférieur à 0,8, la tumeur sera considérée comme très suspecte, supérieur à 1,2 comme bénigne et entre ces deux valeurs seuils, la comparaison avec le signal de l’endomètre sur la séquence en diffusion sera le critère utilisé. Néanmoins, puisqu’aucun de ces critères ne sont spécifiques de malignité et que la prévalence des sarcomes est très inférieure à celle des léiomyomes, la valeur prédictive de chacun de ces signes reste relativement basse et la plupart des tumeurs utérines opérées avec une présomption préopératoire de sarcome correspondent à des léiomyomes remaniés : léiomyome cellulaire, léiomyome myxoïde, léiomyome avec remaniement hémorragique, ou plus rarement à des tumeurs musculaires lisses de pronostic incertain (STUMP). Cela souligne l’intérêt dans les cas douteux de la biopsie percutanée des tumeurs myométriales avec analyse moléculaire qui s’est récemment développé. PET-scanner Les sarcomes utérins captent le glucose avec des SUV élevés, cependant un certain nombre de léiomyomes très cellulaires ou très vascularisés, en particulier chez les patientes non ménopausées, entraînent aussi une captation importante du glucose, et c’est plus l’absence de captation qui a une valeur d’orientation contre un léiomyosarcome. L’indication principale du PET-scanner reste le bilan d’extension d’un léiomyosarcome pour détecter des ganglions para-aortiques et des métastases à distance.   Biopsie préopératoire des tumeurs myométriales La microbiopsie après discussion en RCP est envisagée : – chez une patiente non ménopausée pour laquelle une chirurgie conservatrice utérine est envisagée et lorsque l’aspect en imagerie de la masse ne permet pas d’exclure un sarcome ; – chez une patiente ayant une masse utérine localement évoluée ; – chez une patiente métastatique. La biopsie de la tumeur myométriale est réalisée par voie percutanée dans la plupart des cas ou par voie endovaginale si l’interposition d’anse digestive empêche l’abord percutané. Le diagnostic de léiomyosarcome repose : – sur des critères histologiques avec la mise en évidence d’un index mitotique élevé, d’atypies cellulaires marquées, de pléiomorphisme nucléaire, et de nécrose au sein de cellules musculaires lisses ; – sur des critères immunohistochimiques, comme la surexpression de la protéine p16, la mutation de la protéine p53, ou un index de prolifération élevé objectivé par le KI67 ; – sur l’identification de remaniements génétiques permise par la biologie moléculaire, et notamment, l’analyse chromosomique sur puce à ADN (ACPA) constitue une véritable révolution dans le diagnostic de léiomyosarcome. L’index génomique : IG = A²/C ou A est le nombre total d’anomalies chromosomiques (perte ou gain) et C le nombre total de chromosomes impliqués permet avec un seuil de 15 à 30, selon l’association à d’autres anomalies histologiques de différencier un léiomyome et un léiomyosarcome avec une performance supérieure à celle des critères histologiques classiques. Cette analyse moléculaire prend une place importante dans l’algorithme de prise en charge de tumeur myométriale atypique (figure 1).  a.  b.  c.  d. Figure 1. Existence de deux tumeurs myométriales, l’une antérieure correspondant à un myome (doubles-flèches), l’autre postérieure à un léiomyosarcome (simple flèche). Les séquences suivantes sont illustrées sur cette coupe axiale : T2 (a), T1 post-injection (b), diffusion (c), ADC (d). Les différences entre le myome et le sarcome sont les suivantes : – le myome est en hyposignal T2 alors que le léiomyosarcome est en signal intermédiaire (a) ; – le myome est en hyposignal sur la séquence en diffusion à b élevé alors que le léiomyosarcome est en hypersignal (c) ; – l’ADC du myome est égal à 1 alors que celui du léiomyosarcome est égal à 0,7 (le léiomyosarcome est plus noir sur la séquence ADC (d) ; Il n’y avait pas de différence de rehaussement entre les deux tumeurs (b). Cliquez sur l'algorithme pour l'agrandir

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