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Grand angle

Publié le 29 déc 2022Lecture 10 min

Apport de l’artério-TDM en ablation tumorale hépatique : technique et exemples

Pierre-Alexis AUTRUSSEAU, Julia WEISS, Roberto Luigi CAZZATO, Afshin GANGI, Julien GARNON, service d’imagerie interventionnelle, Nouvel hôpital civil, Strasbourg

Les ablations tumorales hépatiques percutanées sont une alternative au traitement chirurgical des tumeurs primitives du foie(1) ou des localisations secondaires(2). Le taux de contrôle local varie selon plusieurs éléments comme l’histologie, la localisation, la technique d’ablation utilisée, mais le principal facteur semble être la taille de la tumeur et les marges réalisées lors de l’ablation(3). La bonne visualisation de la tumeur et le contrôle post-ablation sont donc primordiaux pour évaluer les marges de sécurité autour de la tumeur. Cependant, certaines tumeurs ne sont pas visibles en échographie et en scanner sans injection, ou sont difficiles d’accès en raison de leur localisation(4). L’artério-TDM, correspondant à la réalisation d’un scanner injecté par l’intermédiaire d’un cathéter artériel placé dans le tronc cœliaque ou l’artère mésentérique supérieure, est une approche séduisante dans l’optique d’optimiser les traitements percutanés.

Difficultés en ablation hépatique percutanée L’ablation percutanée hépatique est un traitement reconnu notamment dans le cadre du carcinome hépato-cellulaire. Cette tumeur, survenant principalement sur un foie de cirrhose très hétérogène et atténué, peut empêcher une bonne visualisation en échographie ou en scanner sans injection. De plus, certaines localisations tumorales (primitives ou secondaires) peuvent être difficilement accessibles en raison d’interpositions digestives ou de leur profondeur. Le guidage scanographique est séduisant à plusieurs égards. Il permet des trajectoires plus longues dans le foie pour la stabilité de l’antenne, et des accès compliqués par rapport à l’échographie seule. Sa principale limite est le fait que la tumeur peut être difficilement visualisable en l’absence d’injection de produit de contraste. Un repérage tomodensitométrique injecté avant l’intervention peut être effectué, mais compromet la réalisation d’une deuxième acquisition en post-ablation, ou alors au prix d’une quantité de produit de contraste très importante. Technique de l’artério-TDM Modalités de guidage L’utilisation de deux modalités de guidage, que sont le capteur plan et le scanner, sont nécessaires pour la réalisation du geste. Au mieux, une salle angio-CT (correspondant à un scanner associé à un capteur plan au plafond) permettra de gagner du temps et de faire la totalité du geste au même endroit. Certaines équipes mettent en place le cathéter artériel en salle d’angiographie avant de transférer le patient en salle de scanner, ce qui a un impact organisationnel, temporel, avec un risque de déplacement non négligeable du cathéter lors des transferts du patient. La troisième option peut être celle d’utiliser un arceau de scopie directement sur la table du scanner. Voie d’abord artérielle Le patient est dans la majorité des cas positionné en décubitus dorsal pour une ablation hépatique, avec parfois le côté droit qui doit être surélevé. Dès lors, deux voies d’abords artérielles sont possibles. La voie fémorale commune, la plus utilisée en pratique courante, et la voie radiale distale gauche, permettant à l’opérateur de travailler avec la même position qu’un accès fémoral tout en procurant un meilleur confort au patient et moins de complications hémorragiques en postopératoire. Un calibre de 4-French est suffisant pour une opacification artérielle à visée diagnostique. Cathétérisme Le choix de l’artère à cathétériser doit être défini par les caractéristiques de réhaussement de la tumeur sur les examens d’imagerie. Dans le meilleur des cas, une IRM préopératoire avec injection multiphasique de produit de contraste permet de savoir quelle est l’artère à privilégier. En cas de carcinome hépato-cellulaire ou de localisation secondaire hypervasculaire (tumeur neuro-endocrine, rein, thyroïde, par exemple), le cathéter peut être mis en place dans l’artère hépatique commune ou l’artère hépatique propre. Certaines localisations secondaires peuvent avoir une collerette hypervasculaire qui sera également bien visualisée avec une opacification dans l’artère hépatique. Pour les tumeurs hypovasculaires, c’est principalement le retour portal qui permettra la meilleure visualisation. Dans ce cas, le cathéter peut être positionné dans l’artère mésentérique supérieure, l’artère splénique ou même à l’origine du tronc cœliaque. Une quantité de contraste légèrement supérieure pourra être nécessaire. Afin de stabiliser au maximum le cathéter artériel, l’utilisation d’une sonde de type Simmons 1 par voie fémorale ou d’une sonde MPA par voie radiale distale pourra être à privilégier. Volumes et temps d’injection Dans le cadre d’une tumeur hypervasculaire avec cathétérisme de l’artère hépatique propre ou commune, une quantité de produit de contraste iodé (Visipaque® 320, GE, États-Unis) de 15 mL à un débit de 3 mL/sec semble suffisant. Un volume d’acquisition TDM entre 7 et 10 secondes permet un temps artériel parenchymateux hépatique, avec une bonne visualisation tumorale. Un second volume à 30-35 secondes peut être réalisé, se rapprochant d’un temps portal. Dans le cadre d’une tumeur hypovasculaire avec cathétérisme du tronc coeliaque, de l’artère splénique ou de l’artère mésentérique supérieure, une quantité de produit de contraste iodé (Visipaque® 320, GE, États-Unis) de 30 mL à un débit de 5 mL/sec semble suffisant. Un volume d’acquisition TDM à 30-40 secondes permet un temps portal parenchymateux hépatique avec une bonne visualisation tumorale. Un résumé est fourni dans le tableau. Modalités d’ablation Selon la modalité d’ablation utilisée, l’opacification de contrôle aura une apparence différente. En cas de nécrose de coagulation, dans le cadre d’une ablation par radiofréquence ou micro-ondes hépatiques, la zone d’ablation sera non rehaussée. Il faudra se méfier de nombreuses zones de troubles perfusionnels autour de la zone de traitement qui peuvent amener à surestimer la zone d’ablation. En cas d’électroporation irréversible, les tumeurs hypervasculaires ne sont plus rehaussées après traitement, ce qui permet d’avoir une bonne estimation du traitement complet ou non de la tumeur. Limites de l’artério-TDM Immédiatement après le traitement, notamment en cas d’ablation thermique, il existe de nombreux troubles perfusionnels autour de la zone de traitement. Ces troubles sont liés à la redistribution vasculaire autour de la zone nécrosée, et peuvent même parfois être amplifiés par des thromboses artérielles, veineuses systémiques ou portales. Il est important de ne pas prendre ces zones de troubles perfusionnels pour une zone de nécrose, afin de ne pas surestimer les marges d’ablation. La seconde limite est la visualisation de nombreuses images parasites sur l’acquisition artério-TDM, notamment pour le temps artériel. On visualise parfois, notamment sur les foies de cirrhose, des prises de contraste de petites tailles punctiformes, probablement d’origine vasculaire, qui ne doivent pas être confondues avec des lésions tumorales. Ces anomalies sont dans la plupart des cas non visibles en IRM, et n’apparaissent pas lors du suivi des patients. La prudence doit être de mise afin de ne pas surestimer le nombre de lésions lors du traitement. De par notre expérience, il faut uniquement se fier à ce qui est visible sur l’IRM avant traitement. En pratique Les procédures sont réalisées sous anesthésie générale, l’accès fémoral ou radial dépend des préférences de l’opérateur et de l’état vasculaire du patient. Exemple 1 : électroporation irréversible d’une métastase hépatique unique d’une tumeur neuro-endocrine au contact d’une anastomose bilio-digestive Une patiente de 66 ans est adressée dans notre service pour destruction tumorale d’une métastase hépatique de 2 cm d’une tumeur neuro-endocrine du segment VIII. La patiente présente un antécédent de résection hépatique, avec reconstruction biliaire et anastomose bilio-digestive. La métastase est accolée à la bifurcation biliaire (figure 1 A), contre-indiquant une thermo-ablation par micro-ondes, et hypervasculaire sur le temps artériel (figure 1 B). Anatomiquement, le foie est vascularisé par une artère hépatique moyenne et une artère hépatique droite. Un cathéter Simmons 1 (4-French) est monté par voie fémorale commune au sein du tronc cœliaque, opacifiant l’artère hépatique gauche (figure 1 C). Une artério-TDM est alors réalisée, avec 15 mL de produit de contraste iodé (Visipaque® 320) à 3 mL/sec avec une acquisition volumique à 7 secondes, visualisant nettement la tumeur hypervasculaire du segment VIII (figure 1 D). Trois aiguilles d’électroporation irréversible (NanoKnife 3.0® ; Angiodynamics, États-Unis) sont avancées sous contrôle scanner volumique autour de la tumeur. Un contrôle intermittent confirme le positionnement satisfaisant des trois aiguilles (figure 1 E). Immédiatement après le cycle de traitement, la dévascularisation complète de la tumeur confirme le traitement complet (figure 1 F). La quantité totale de produit de contraste injectée est de 45 mL. Figure 1. Exemple : électroporation irréversible d’une métastase hépatique unique d’une tumeur neuro-endocrine au contact d’une anastomose bilio-digestive. L’IRM en séquence pondérée T2 en coronal permet de visualiser (A) une tumeur (cercle) accolée à la bifurcation biliaire (tête de flèche), t (B) apparaît hypervasculaire (cercle) en séquence pondérée T1 FS au temps artériel.  C : un cathéter Simmons 4-French (flèche) est monté par voie fémorale droite dans le tronc cœliaque, à l’origine de l’artère hépatique commune, permettant l’opacification de l’artère hépatique gauche (tête de flèche). D : l’artério-TDM au temps artériel permet une bonne visualisation de la tumeur hypervasculaire (tête de flèche) permettant la planification de l’insertion des aiguilles. E : trois aiguilles d’électroporation sont insérées à 1,5 cm chacune autour de la lésion et une nouvelle artério-TDM permet de confirmer le bon positionnement des aiguilles. F : un contrôle final montre une dévascularisation tumorale complète. Le dernier contrôle IRM à un an est en faveur d’un traitement complet. Exemple 2 : thermo-ablation par micro-ondes d’une localisation secondaire unique du segment VII d’un carcinome adénoïde kystique Un patient de 74 ans est adressé dans notre service pour destruction tumorale percutanée d’une métastase unique hépatique d’un carcinome adénoïde kystique dans le segment VIII (figure 2 A et B). La tumeur est discrètement hypervasculaire sur le temps artériel et hypodense sur le temps portal (figure 2 C). Anatomiquement, le foie est vascularisé par une artère hépatique moyenne. Un cathéter Cobra 2 (4-French) est positionné dans l’artère hépatique commune. Une artério-TDM est réalisée avec 15 mL de produit de contraste iodé (Visipaque® 320) à 3 mL/sec avec une acquisition volumique à 7 et 30 secondes (figure 2 D) permettant la visualisation optimale de la tumeur. Trois antennes de micro-ondes (Neuwave® ; Johnson & Johnson, États-Unis) sont déployées par voie antérieure sous forme d’un triangle au sein de la tumeur (une supérieure, deux inférieures). Une ascite artificielle est réalisée afin de protéger le diaphragme. La bonne position des antennes est vérifiée par la réalisation d’une nouvelle artério-TDM (figure 2 E). Une ablation de 10 minutes à 65 Watts est réalisée. Un contrôle immédiat permet la visualisation de la zone d’ablation et des marges (figure 2 F). La quantité totale de produit de contraste injectée est de 45 mL. Figure 2. Exemple : thermo-ablation par micro-ondes d’une localisation secondaire unique du segment VII d’un carcinome adénoïde kystique. L’IRM en séquence pondérée T1 FS en axial (A) et coronal (B) permet de visualiser une tumeur (cercle) discrètement hypervasculaire du dôme hépatique, au contact du diaphragme. C : un cathéter Cobra 4-French est inséré dans l’artère hépatique commune et une artério-TDM au temps portal (27 secondes) permet une visualisation de la tumeur hypodense avec une collerette hypervasculaire (tête de flèche). D : trois antennes de micro-ondes sont insérées dans la tumeur et un contrôle injecté confirme le bon positionnement. E : après 10 minutes d’ablation, un nouveau contrôle confirme l’ablation satisfaisante avec des marges de sécurité. F : une IRM de contrôle à 1 mois en séquence de soustraction confirme la destruction complète de la tumeur.   Exemple 3 : thermo-ablation d’un carcinome hépato-cellulaire du segment I Un patient de 62 ans est adressé dans notre service pour un carcinome hépato-cellulaire de 2 cm du segment I (figure 3 A). Le patient a déjà bénéficié dans le passé d’une hépatectomie droite. La lésion n’est pas visualisable en échographie (trop profonde) ou sur le scanner sans injection. Le patient est positionné en décubitus dorsal, la main gauche posée sur la fosse iliaque gauche pour permettre un accès par voie radiale distale (figure 3 B). Une sonde MPA 4-French est descendue dans l’artère hépatique commune. Le foie restant est vascularisé par une artère hépatique moyenne (figure 3 C). Une artério-TDM est réalisée à l’aide de 15 mL de produit de contraste (Visipaque 320®) à 3 mL/sec avec une acquisition volumique à 7 secondes (figure 3 D) retrouvant le carcinome hépato-cellulaire du segment I. Une antenne de micro-ondes (Emprint® ; Medtronic, États-Unis) est avancée sous contrôle TDM au sein de la tumeur du segment I. Un contrôle injecté du positionnement de l’aiguille est réalisé (figure 3 E). Le pancréas est hydrodisséqué par voie transhépatique. Une ablation de 7 minutes 30 à 100 Watts est réalisée. Un contrôle immédiat permet la visualisation de la zone d’ablation (figure 3 F). Figure 3. Exemple : thermo-ablation par micro-ondes d’un carcinome hépato-cellulaire du segment I. L’IRM en séquence pondérée T2 FS (A) montre une lésion de carcinome-hépatocellulaire de 15 mm (cercle) dans le segment I. B : le patient est installé en décubitus dorsal en salle d’angio-CT, la main gauche positionnée au niveau du bassin (flèche). C : un cathéter MPA 4-French est descendu dans le tronc cœliaque par voie radiale distale (flèche), permettant d’opacifier l’artère hépatique commune (tête de flèche). L’artério-TDM (D) confirme le carcinome hépato-cellulaire de 15 mm du segment I (tête de flèche). E : le bon positionnement de l’antenne de micro-ondes (flèche) dans la tumeur du segment I (tête de flèche) est confirmé par artério-TDM, et (F) le contrôle après ablation montre une nécrose de coagulation satisfaisante pour le traitement de la tumeur (tête de flèche).  

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