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Technologie

Publié le 19 mai 2025Lecture 7 min

Cryoablation percutanée des malformations veineuses : une approche mini-invasive efficace

Clément MARCELIN, CHU de Bordeaux

Les malformations veineuses (MV) et les anomalies fibro-adipeuses vasculaires (FAVA) sont des affections vasculaires congénitales qui, bien que bénignes, peuvent être invalidantes en raison de douleurs chroniques et d’une altération de la qualité de vie des patients. Traditionnellement, la prise en charge repose sur des options thérapeutiques variées, notamment la sclérothérapie et la chirurgie. Cependant, ces traitements présentent certaines limites, telles qu’un risque élevé de récidive, une efficacité parfois limitée et des complications postopératoires potentielles(1,2). Parmi les alternatives émergentes, la cryoablation percutanée (CA), une technique mini-invasive guidée par l’imagerie, se distingue par son efficacité et sa capacité à traiter les lésions en minimisant les risques pour les tissus environnants(3,4).

Principe et technique de la cryoablation   La cryoablation repose sur l’utilisation de sondes cryogéniques qui appliquent des températures extrêmement basses (- 40 à – 80 °C) directement sur la lésion. Cette procédure entraîne la formation de cristaux intracellulaires provoquant une rupture des membranes cellulaires et une destruction progressive du tissu traité. De plus, l’effet thermique génère une thrombose locale, ce qui contribue à l’occlusion des vaisseaux sanguins irriguant la malformation veineuse. Techniquement, la cryoablation est réalisée sous guidage échographique, tomodensitométrique ou par IRM, permettant une visualisation précise de la lésion et un contrôle en temps réel de la formation de la boule de glace. Le protocole le plus courant repose sur deux cycles de congélation de 10 minutes chacun, entrecoupés d’une phase de décongélation passive ou active. La durée totale de congélation varie en fonction de la taille et de la localisation de la lésion. Des sondes multiples peuvent être utilisées pour assurer une couverture volumique complète. L’utilisation de l’hydrodissection est fréquente pour protéger les structures adjacentes sensibles, notamment les nerfs ou la peau, en injectant du sérum physiologique entre la boule de glace et les tissus à risque. Le succès technique repose sur l’obtention d’une couverture totale de la lésion par la boule de glace. Dans la majorité des études, le guidage tomodensitométrique est privilégié suivi par l’échographie et l’IRM(5). La durée moyenne de congélation rapportée dans les séries est de 20,9 minutes. Le positionnement optimal des sondes, leur nombre et la stratégie de congélation sont adaptés à chaque cas selon la topographie, la profondeur et la morphologie de la malformation. Enfin, la cryoablation est réalisée le plus souvent sous anesthésie générale en ambulatoire pour surveillance postprocédure. Dans les suites immédiates, des douleurs locales, des paresthésies transitoires ou un œdème peuvent survenir mais sont généralement réversibles. Le recours à une cryoablation répétée est possible en cas de lésion volumineuse ou résiduelle.   Résultats cliniques et perspectives   La revue systématique conduite par Fish et al. en 2022(5) a évalué l’efficacité, la sécurité et les résultats cliniques de la cryoablation percutanée dans la prise en charge des malformations veineuses. Elle a inclus huit études, principalement rétrospectives, regroupant au total 54 patients et 55 procédures de cryoablation, toutes réalisées sur des MV confirmées. L’âge moyen des patients était de 35,2 ans, avec une prédominance féminine (71 %). Dans plus de la moitié des cas (57,4 %), les patients avaient bénéficié de traitements antérieurs, le plus souvent une ou plusieurs séances de sclérothérapie. Sur le plan technique, la cryoablation a été réalisée sous anesthésie générale, avec guidage tomodensitométrique dans 65,5 % des cas, échographique dans 25,5 % et par IRM dans 9 %. La majorité des procédures (98 %) ont utilisé deux cycles de congélation d’environ 10 minutes chacun. Le nombre de cryoprobes par intervention variait d’un à dix, avec une médiane de deux. Une hydrodissection a été pratiquée dans quatre cas pour protéger les structures adjacentes en cas de lésions superficielles. Les résultats cliniques sont encourageants. Une réduction significative du volume lésionnel a été observée. En effet, chez les 27 patients pour lesquels une évaluation volumique pré- et post-thérapeutique était disponible, la diminution moyenne pondérée du volume était de 92 %, avec une moyenne brute de 71,7 %. La médiane du volume initial des lésions était de 6,1 ml, mais des variations importantes étaient rapportées (0,62 à 155,6 ml), ce qui reflète l’hétérogénéité des cas traités. Sur le plan symptomatique, la cryoablation a entraîné une amélioration nette de la douleur. Dans les 31 cas pour lesquels des scores de douleur pré- et postprocédure étaient disponibles, une réduction moyenne non pondérée de 78,2 % a été rapportée, et la réduction moyenne pondérée atteignait 77 %. Une disparition complète de la douleur a été rapportée dans 64,5 % des cas évalués, et une amélioration globale (partielle ou totale) dans 94,5 % des cas. Ces résultats suggèrent une excellente efficacité symptomatique, notamment dans les localisations intramusculaires (91,9 % des cas décrits). L’analyse comparative selon l’histoire thérapeutique montre que les patients ayant reçu une sclérothérapie préalable présentaient des scores de douleur initiale et post-traitement plus faibles (4,7 et 1,3) que ceux n’ayant jamais été traités auparavant (5,8 et 2,8), ce qui pourrait refléter un bénéfice cumulatif ou une meilleure sélection des cas. Néanmoins, la petite taille des échantillons n’a pas permis d’effectuer une analyse statistique robuste selon les sous-groupes. Du point de vue de la sécurité, la cryoablation a démontré un bon profil de tolérance. Deux événements indésirables majeurs (3,7 %) ont été rapportés, tous deux liés à une dysesthésie persistante, dont un cas associé à une paralysie sciatique. Les événements indésirables mineurs incluaient la douleur (33,3 %), l’œdème (18,5 %), et des troubles sensitifs transitoires (13 %), tous résolus en moins de 2 semaines. Aucune complication mettant en jeu le pronostic vital, ni l’hospitalisation prolongée ou le décès n’a été observée. La durée médiane de suivi était de 6 mois, mais certains patients ont été suivis jusqu’à 78 mois. Toutefois, le manque d’uniformité dans l’évaluation des résultats, tant cliniques qu’imagings, constitue une limite de cette revue. Notamment, seuls deux articles incluaient des analyses quantitatives suffisamment détaillées pour être agrégées dans une métaanalyse, et les critères diagnostiques des MV variaient selon les études. Environ 31 % des cas étaient confirmés par biopsie, tandis que les autres reposaient uniquement sur l’imagerie.   Facteurs pronostiques   Dans une étude rétrospective menée sur 55 patients traités par cryoablation entre 2012 et 2023(3), la majorité d'entre eux présentaient des MV ou des FAVA symptomatiques, souvent résistantes aux traitements conventionnels. L’âge médian des patients était de 30 ans, et une nette prédominance féminine a été observée (78 % de femmes). L’efficacité technique de la procédure a été démontrée chez 69 % des patients, avec un taux de réponse complète de 33 % et une réduction moyenne du volume des lésions de 47 %. Concernant les critères prédictifs de réponse au traitement, plusieurs facteurs ont été identifiés(3) : • le grade de Goyal de la malformation : les lésions de grade 1 (lésions bien définies de moins de 5 cm) ont montré une meilleure réponse clinique ; • le volume résiduel post-thérapeutique : un volume plus important après traitement était associé à une moins bonne réponse clinique ; • le sexe : les femmes présentaient un taux plus élevé de douleur résiduelle après traitement ; • l’efficacité technique : la complétude du traitement était un facteur pronostique clé pour un soulagement optimal de la douleur.   Comparaison avec les autres traitements   La cryoablation se distingue avantageusement par rapport aux autres approches conventionnelles. La sclérothérapie, bien que couramment utilisée en première intention, présente un taux de complications locales pouvant atteindre 41 % et un risque de récidive nécessitant des traitements répétés(5). La chirurgie est efficace pour les malformations localisées ; elle est cependant plus invasive, associée à une hospitalisation plus longue et à un risque accru de complications postopératoires(4).   Technique BEST : une approche complémentaire   Une autre approche innovante, la Bleomycin ElectroScleroTherapy (BEST), a récemment émergé comme une alternative prometteuse pour le traitement des malformations veineuses(6). La technique BEST repose sur l’administration intralésionnelle de bléomycine, un agent sclérosant, combinée à l’électroporation. L’électroporation permet d’augmenter la perméabilité des cellules à la bléomycine, favorisant ainsi une destruction plus efficace des cellules endothéliales vasculaires et une sclérose ciblée des vaisseaux malformatifs. Des études ont montré que la technique BEST permet une réduction significative du volume des lésions et une amélioration des symptômes cliniques, avec une diminution des récidives. Comparée à la sclérothérapie classique, BEST offre l’avantage d’une action plus localisée et d’une toxicité systémique réduite. Bien que la cryoablation et la technique BEST reposent sur des principes distincts, elles pourraient être combinées pour maximiser les effets thérapeutiques. La cryoablation pourrait être utilisée pour détruire les tissus fibro-adipeux des FAVA et les zones vasculaires denses, tandis que la technique BEST permettrait de renforcer la sclérose des composants vasculaires résiduels. Figure 1. Malformation veineuse intramusculaire du muscle sartorius chez une jeune femme de 34 ans, ancienne athlète, responsable de douleurs invalidantes (EVA 6). Imagerie par IRM (séquence DPFS) avant la cryothérapie retrouvant la malformation veineuse en hypersignal DPFS mesurant 13 mm (A). L’échographie (B) a permis un repérage précis de la lésion et sert de guidage pour la cryothérapie percutanée avec une aiguille Ice Seed (Boston Scientific). Après cryothérapie percutanée, l’IRM (C) montre une régression complète de la lésion (flèche). La patiente a 1 an a noté la disparition complète des symptômes après la cryothérapie (EVA 0).   CONCLUSION   La cryoablation percutanée représente une thérapeutique prometteuse et efficace pour la prise en charge des malformations veineuses et des anomalies fibro-adipeuses vasculaires.

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