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C Demain

Publié le 03 oct 2022Lecture 13 min

Nouveau règlement des dispositifs médicaux : évolutions et impacts hospitaliers

Nicolas PRISQUE*, Juliette FOUILLET*, Christine FAURE*, Jérôme PERREY*,** : *Pharmacie Euromédecine, CHU de Montpellier, **Euro-Pharmat, Hôtel-Dieu, Toulouse

La nouvelle réglementation européenne qui vient encadrer les dispositifs médicaux (DM) dans les différents pays membres apporte de nouvelles garanties pour la sécurité de la santé et la prise en charge des patients. Elle est aussi synonyme d’adaptation et de changements pour les DM au niveau de leur production, de leur commercialisation ou non. Une période de transition est annoncée. Explications.

▸ L’ancienne réglementation européenne   Les dispositifs médicaux (DM) sont répartis en quatre groupes selon leur risque potentiel, que ce soit pour le patient ou le professionnel de santé impliqué dans la vie du dispositif. Ce niveau de risque va influencer la complexité du dossier technico-réglementaire du fabricant (figure 1). La directive 90/385/CEE harmonise la législation des États membres sur les DM implantables actifs ; vient ensuite la directive 93/42/CEE et la directive 98/79/CEE concernant respectivement les DM dans leur globalité et les DM de diagnostic in vitro. Ces trois directives marquent la genèse d’une législation toujours plus soucieuse de la qualité et de la sécurité des produits de santé. Cette « nouvelle approche » permet l’harmonisation au niveau européen en termes de circulation des DM et l’élaboration de nouvelles normes communes. À l’inverse du médicament, la responsabilité de la mise sur le marché revient au fabricant : il est le garant de la sécurité et de la performance de son produit. Ces critères sont retrouvés dans un dossier technico-réglementaire plus ou moins étoffé en fonction du niveau de risque du DM. Ce dernier sert de base pour l’attribution du « marquage CE » : conformité européenne qui permet la commercialisation du DM. Il est apposé par un tiers habilité, choisi par le fabricant, autrement appelé « organisme notifié » (ON). Ces ON sont sous l’égide d’une autorité compétente nationale, en France, l’ANSM. Cette dernière a également un rôle de vigilance, d’inspection des sites et de police sanitaire en contrôlant, retirant, interdisant et restreignant si nécessaire les DM sur le marché. La directive 2007/47/CE, mise en application en 2010, apporte quant à elle des clarifications sur cette « nouvelle approche ». Elle met en avant l’importance de l’évaluation clinique du DM, ainsi que l’obligation pour ceux à risque d’une comparaison à un DM dit de référence. Ce nouveau paradigme de la « preuve » fait évoluer le concept de marquage CE, notamment après la mise sur le marché avec la nécessité de collecte des données cliniques pendant la commercialisation. Celui-ci est argumenté par les essais cliniques du DM. Cette directive efface le concept de dossier dit purement « technique » et renforce l’importance de la clinique.   Les raisons d’une nouvelle réglementation L’affaire PIP a mis en lumière les limites de cette nouvelle approche : temps de latence important des institutions, encadrement des organismes notifiés, suivi post-commercialisation des DMI, lacunes en données cliniques dans le dossier technico-réglementaire. Dans un communiqué de presse de 2014, la Commission européenne annonce un premier plan d’action à court terme pour rétablir la confiance des usagers après la fraude. Cela permettra ainsi d’optimiser rapidement la législation existante, c’est-à-dire de clarifier le rôle des ON en encadrant leur champ d’action, en recommandant les visites inopinées et en renforçant la coordination des vigilances par les États membres. Cependant, une révision à long terme impliquant une refonte législative totale était nécessaire(2).   ▸ Le règlement 2017/745   Le règlement 2017/745 (RDM) est entré en vigueur le 26 mai 2017. Ce texte, composé de 123 articles, 10 chapitres et 17 annexes, propose une refonte totale du cadre réglementaire des DM. Plusieurs objectifs ressortent pour renforcer la sécurité sanitaire : une harmonisation des règles, une amélioration de la transparence et de la traçabilité, et une évaluation pré- et post-marché précise et complète. De plus, une mise à jour de la classification des DM avec 80 critères est mise en œuvre, ainsi qu’un changement dans la gouvernance des ON(3).   Chronologie de l’application Si le texte est applicable depuis mai 2017, en ouvrant la possibilité aux DM en cours de commercialisation de s’y référer, c’est en mai 2021 que les DM mis sur le marché devront le respecter. Toutefois, pour les DM avec un certificat conforme aux directives européennes à jour (legaly device), il existe un délai pour obtenir un nouveau marquage CE. En effet, ces DM pourront être fabriqués jusqu’en mai 2024 avec un marquage CE « directive » encore valable. Si ce marquage CE expire avant 2024, il faudra en obtenir un nouveau respectant le règlement. Pour les DM, avec un marquage CE « directive » valable, entrés dans le circuit de distribution avant mai 2024, la commercialisation reste possible jusqu’en mai 2025. Après cette « période de grâce », tous les DM devront avoir un marquage CE « règlement » ou être retirés du marché(4) (figure 2). Marquage CE et organismes notifiés Pour être désignés en tant que tels à partir de 2019, les ON doivent être évalués par une autorité compétente (AC). En 2013, le règlement d’exécution 2013/920 entraînait déjà une réévaluation de chaque organisme notifié selon le mécanisme de « joint assessment », c’est-à-dire une expertise par plusieurs États membres. Le règlement 2017/745 augmente le niveau d’exigences et de compétences des organismes notifiés. Ainsi, l’annexe VII précise que l’ON doit documenter sa structure fonctionnelle mais également son indépendance et son impartialité. Pour être évalué par l’AC, il doit aussi préciser les critères de qualification de son personnel notamment en préclinique et clinique, les conditions de sous-traitance, les procédures de certifications des dispositifs et le contenu des certificats(5,6) (figure 3). Dossier technico-réglementaire Le dossier technique regroupe toutes les informations nécessaires au cycle de vie du DM, c’est-à-dire de sa conception, production, qualification, pré- et post-mise sur le marché jusqu’à sa fin de vie. Il est explicité dans l’annexe II du RDM et inclut entre autres des données d’identification, de conception, de fabrication (norme qualité ISO 13485) et les documents réglementaires du DM (notices, fiche technique). Il englobe également des données cliniques de performance, de sûreté et de biocompatibilité, ainsi qu’un plan de gestion des risques. La référence aux normes, guides et référentiels est également à démontrer. De plus, un plan de suivi post-commercialisation est à ajouter. L’analyse du risque et le rapport bénéfice/ risque deviennent centraux dans l’évaluation par l’ON. De plus, l’aspect clinique est prépondérant dans le dossier notamment via son évaluation, de même que le suivi après mise sur le marché. En comparaison à l’ancienne directive, le nouveau dossier technique devient plus rigoureux et complexe que sa version précédente(8,9).   Transfert de classe Le règlement s’adapte à l’évolution des dispositifs médicaux (contact avec tissus sensibles, nanomatériaux, etc.). En ce sens, les règles de classification sont durcies par l’ajout de cinq nouvelles règles et trois nouveaux critères, ainsi que la modification d’une douzaine d’autres. Il en résulte une transition de classe vers des niveaux de risque plus élevés et donc un dossier technique plus étayé pour les DM et les fournisseurs concernés(10).   Évaluation clinique pré- et post-commercialisation L’article 61 du règlement et son annexe XIV mettent en exergue l’importance de l’évaluation pré- et post-commercialisation. Elle vient compléter les données précliniques de l’évaluation du DM en laboratoire. Il existe différents types d’évaluations selon la classe de risque du dispositif : analyse des données de la littérature, comparaison à une équivalence, obtention de données propres au dispositif médical à tester (investigation clinique). L’évaluation par équivalence compare les aspects techniques, biologiques et cliniques des dispositifs par rapport à des DM similaires possédant déjà un marquage CE. Le règlement amène également la notion de SCAC (suivi clinique après commercialisation) post-marquage CE ou PMCF en anglais (Post Market Clinical Follow up). Ce suivi consiste à actualiser activement les données cliniques disponibles. Plusieurs méthodes sont possibles : une revue systématique de la matériovigilance, l’actualisation en temps réel de la bibliographie, notamment en analysant la concurrence, et le recueil actif des données cliniques pendant la commercialisation. L’exigence de ce dossier est devenue, avec la nouvelle réglementation, un gage de qualité pour un dispositif sur le marché(11-13).   ▸ Traçabilité : l’IUD, l’EUDAMED et la carte implant   Identifiant unique du dispositif (IUD) Les fabricants ont l’obligation d’apposer sur leur produit de santé le système d’identification unique du dispositif (IUD). C’est une série de chiffres ou de lettres créée à partir d’une base de données ou de codification internationale. En termes de traçabilité, il permet l’identification du DM de sa conception jusqu’à son utilisation. Celui-ci sera indispensable en cas de matériovigilance. Il permettra également de lutter contre les fraudes ou les contrefaçons. L’IUD sera présente sur l’ensemble des conditionnements du dispositif. Les données statistiques de l’IUD permettront d’identifier le DM et son fabricant, tandis que ses données dynamiques renseigneront le numéro de lot ou de série et la date de péremption. Cette codification permettra également une informatisation et automatisation du circuit de traçabilité du DM(14)(figure 4). Plateforme EUDAMED Les DM mis sur le marché identifiables via leur IUD seront répertoriés dans cette base de données partagée européenne. La classification utilisée est la classification commune européenne EMDN (European Medical Device Nomenclature). Cette plateforme permet de renforcer la surveillance par le biais d’un accès rapide aux informations sur les DM, partagées en temps réel entre les fournisseurs, les fabricants, l’autorité compétente et les utilisateurs. Les données prévues pour être intégrées dans l’EUDAMED sont tout autant d’ordre réglementaire, clinique ou technique(10).   Carte implant patient Le règlement prévoit enfin que le fournisseur mette à disposition des utilisateurs une carte implant mentionnant les informations essentielles à transmettre au patient. Cette carte contient l’identification du patient implanté, ainsi que les données statistiques et dynamiques du dispositif médical. Ainsi, chaque patient aura à sa disposition les données nécessaires afin de garantir son information et une traçabilité à long terme (figure 5) . ▸ Conséquences de la nouvelle règlementation   Retard de renouvellement de marquage CE Selon certains professionnels de santé, le texte comporte des lacunes, notamment dans son application concrète. Le principal point négatif reposerait sur le changement profond pour les industriels dans la conception de leurs dossiers et le délai accordé. Ce changement, en quelques années, peut en effet représenter une difficulté certaine(16-18). Avec cette nouvelle réglementation, les organismes notifiés ont de grandes difficultés à obtenir une accréditation du fait d’un niveau de compétences et d’exigences demandés toujours plus renforcé. Le nombre d’ON passe de 87 en 2012 à seulement 30 en août 2022. Selon une étude de MedTech Europe englobant 475 entreprises dans le domaine des DM, dont 102 grandes entreprises et 373 petites et moyennes entreprises (PME), 15 à 30 % de ces dernières n’ont pas accès à un ON. Ces organismes sont parfois contraints à refuser de nouveaux clients(19). De plus, la durée nécessaire à l’ON pour pouvoir certifier un DM est allongée. Le processus d’évaluation prend désormais en moyenne 13 à 18 mois. C’est le double de temps historiquement nécessaire pour un marquage CE « directives ». Actuellement, si 1 000 certificats ont été délivrés en août 2022, environ 24 000 certificats sont à réactualiser avant le 26 mai 2024. Cette tendance est également confirmée par l’enquête 2021 de la team-NB auprès de ses membres(20). Il faut également considérer que l’examen du marquage CE est toujours en cours pour 70 % des dossiers déposés(21,22). Ces éléments associés à la date limite de 2024 créent un « goulot d’étranglement » causant de nombreuses suspensions temporaires de mise sur le marché. Le SNITEM, le BVmed (syndicats d’entreprises du DM) alertent également sur ces risques liés à la nouvelle réglementation et proposent une prolongation de 2 ans de la période de transition et un renforcement de la capacité des ON(23). Parallèlement, les autorités compétentes peuvent, en se basant sur l’article 59 du RDM, permettre un recours dérogatoire de commercialisation sans marquage CE, dans le cas de dispositifs sans alternative sur le marché et avec un bénéfice significatif(24).   Abandon de certaines gammes Outre la disparition massive et temporaire de DM qui n’auront pas eu leur renouvellement de marquage CE à temps, un risque d’arrêt définitif de certains produits peu rentables est envisagé. Les DM sont principalement concernés : les produits de tailles extrêmes, les dispositifs pédiatriques, néonatals ou ceux concernant les maladies rares. La demande et le maintien de marquage CE pour ces DM seraient trop coûteux pour les fabricants. Selon une étude de MedTech Europe, sur 475 entreprises dans le domaine des DM, plus de 50 % prévoient une réduction de leur catalogue(19). Le 13 juin 2022, un communiqué de l’Alliance biomédicale d’Europe, organisation représentant 36 sociétés médicales ou de recherche, a tiré la sonnette d’alarme. Elle estimait que 27 % des DM actuellement sur le marché européen ne seront plus fabriqués du fait de l’abandon volontaire du marquage CE ; le budget principal étant alloué aux gammes standards les plus vendues. Les associations demandent alors à la Commission européenne chargée de la santé de trouver des solutions rapides afin que l’impact du règlement n’ait pas de conséquences majeures, surtout sur les patients(25).   Conséquences économiques Selon l’AFIDEO (Association des fabricants importateurs distributeurs européens d’implants orthopédiques et traumatologiques), le coût de l’examen par un ON d’une demande de certification sous règlement pour un cotyle de hanche peut atteindre 150 k€, ce qui sous-entend que le coût total de l’examen d’une demande de certification sous règlement de tous les éléments d’une prothèse de hanche peut avoisiner les 450 k€. Cela représente une augmentation d’environ 50 % par rapport à la directive 93/CEE(26). Le règlement a de nombreuses conséquences sur les très petites entreprises (TPE) et les PME. Selon le SNITEM, 10 % des entreprises pourraient ne pas survivre financièrement à cette transition. Entre le faible prix des dispositifs sur le marché européen et l’augmentation du budget alloué à la certification, des fabricants risqueraient de fermer. Cela aurait également comme conséquence une baisse du panel des DM présents sur le marché(27). Il est toutefois à noter que le gouvernement français via le projet « France 2030 » s’engage à investir 400 millions d’euros dans les entreprises des DM en France. L’objectif est de soutenir l’innovation et d’accompagner les fabricants dans leurs démarches(28). Malgré tout, il n’est cependant pas illogique de considérer qu’en cas de maintien de la mise sur le marché européen, l’augmentation des coûts pour l’industriel soit répercutée sur l’utilisateur lors des prochaines reconductions de prix hospitalier.   Conséquences cliniques Bien que 2022 soit encore loin de la fin de la période de grâce, les conséquences de la nouvelle réglementation se font déjà ressentir sur tous les types de DM, exacerbées par la pandémie de la Covid-19. Les fabricants de dispositifs, quand ils n’ont pas de ruptures de matières premières, peinent à renouveler leur marquage CE, voire prennent la décision de ne pas le faire. Même si des alternatives aux ruptures sont proposées, elles sont parfois rapidement épuisées au vu de la forte demande. Il en résulte une perte de disponibilité de produits de santé et un potentiel retard de prise en charge important pour les patients. Cela entraîne alors une nécessaire adaptation des pratiques médicales. Les équipes soignantes doivent composer avec les gammes disponibles et tendre vers une standardisation des procédures par manque conséquent de dispositifs spécifiques. La disparition de ces dispositifs a en effet des répercussions significatives, voire critiques dans les services de soins. Des études hospitalières, menées dans les hôpitaux universitaires de Strasbourg et les Hospices civils de Lyon, témoignent des difficultés d’approvisionnement au sein des pharmacies. À Lyon, de novembre 2019 à septembre 2020, 96 DM ont été déclarés en rupture ou en arrêt de commercialisation ; la majorité de ces dispositifs était fournie par des PME. Seulement 15,6 % des entreprises ont proposé une solution de substitution sur leurs produits(29,30). Par ailleurs, selon une étude du Boston Consulting Group et de l’UCLA Biodesign a été réalisée à partir d’un sondage de 104 dirigeants d’entreprises de DM de toutes classes, bien que presque la moitié des DM concernés soient sur le marché européen, 89 % de ces entreprises ont exprimé leur intention de prioriser les États-Unis ; 23 % des fabricants ayant obtenu un marquage CE se tournent vers le marché japonais ou chinois avant l’Europe(31). À ce titre, les Académies de médecine, pharmacie et chirurgie reconnaissent, dans un communiqué, l’utilité de ce règlement mais veulent discuter des modalités et des délais d’applications. Elles recommandent, entre autres, une analyse approfondie du risque, pour les patients, de ruptures des DM essentiels(32).   Amélioration de la sécurité des dispositifs médicaux La nécessité pour le fournisseur de disposer de données cliniques pré- et post-marquage se traduit par une augmentation du nombre d’investigations cliniques. Au CHU de Montpellier, le nombre annuel de demandes de mise en place d’investigation sur les DM a été augmenté de 52 % entre 2016 et 2021. En termes de sécurité sanitaire, l’ajout de la carte implant à délivrer à tous les patients recevant un DMI est un gage de sécurité. Cette démarche rentre totalement dans le domaine de la gestion des risques. Plus généralement, le règlement met en avant la sécurité sanitaire avec comme ligne de mire la traçabilité accrue des dispositifs et un objectif d’information et de suivi des patients. De plus, en termes de management de la qualité, de nouvelles mesures sont venues enrichir celles déjà existantes. Le fabricant doit définir et mettre en œuvre une organisation en charge de la maintenance et du contrôle qualité de ses produits en interne et externe. Cette opération passe par la récolte d’informations sur le dispositif durant le développement pré et post-commercialisation. Ces informations sont également partagées sur des plateformes spécifiques afin d’assurer un suivi en commun avec les instances(33).  

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