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C Demain

Publié le 25 mar 2024Lecture 6 min

Place de l’embolisation artérielle hépatique dans la prise en charge des adénomes hépatocellulaires

Patrick CHEVALLIER1*, Manuel GARGIULO1*, Antony SCHEIT1* , Maxime EPERIER1* , Mohammed SHAFAYE1*, Dann OUIZEMAN2*, Rodolphe ANTY2*, Albert TRAN2*

Les adénomes hépatocellulaires sont des tumeurs bénignes peu fréquentes, le plus souvent asymptomatiques et de découverte fortuite chez des femmes de 30-35 ans, avec un sex ratio femmes/hommes de 10/1. Leur développement est hormonodépendant, avec une augmentation de 30 à 40 fois de leur incidence en cas de contraception orale, de leur volume en cas de grossesse et de sa diminution souvent observée à la ménopause. Chez les hommes, ils s’observent souvent après la prise de stéroïdes anabolisants(1). Les adénomes hépatocellulaires résultent d’une prolifération monoclonale d’hépatocytes, intratumoraux ayant l’aspect d’hépatocytes normaux arrangés en travées. Depuis près de 20 ans, de nombreux travaux, initiés majoritairement en France(2), ont permis de les classer en 6 sous-groupes moléculaires selon des mutations de gènes et des voies d’activation spécifiques, conférant à ces derniers certaines particularités cliniques. On préconise de réaliser des biopsies, un suivi évolutif des patients par imageries annuelles (plutôt en IRM), ainsi qu’un traitement préventif en cas de risque accentué hémorragique et/ou de transformation maligne(1).

Les risques hémorragiques et de transformation maligne   Le risque hémorragique est proche de 30 % dans une revue de la littérature ayant inclus 1 176 patients(3) et varie selon la position de l’adénome dans le foie, son volume et son profil moléculaire. Ainsi un adénome sous-capsulaire à un risque hémorragique augmenté et il est rare d’observer des complications hémorragiques pour des adénomes < 5 cm de diamètre (tableau 1). Les sous-types inflammatoires et Sonic hedgehog activé sont plus à risque d’hémorragie que les autres. A contrario, le soustype alpha-HNF1 inactivé, qui s’observe le plus souvent dans des formes multifocales, prenant le nom de d’adénomatose s’il y a plus de 10 adénomes, et possède un risque hémorragique faible. Dans tous les cas, le risque hémorragique peut diminuer en corrigeant les facteurs favorisants le développement des adénomes comme la contraception orale ou le surpoids, avec un effet plus marqué de ces mesures pour le sous-type inflammatoire(1).   Le risque de transformation maligne est d’environ de 5 % pour l’ensemble des femmes contre près de 50 % pour les hommes le plus souvent porteurs d’adénomes bêtacaténines mutés, cette mutation semblant constituer le principal risque de dégénérescence connu à ce jour(1). Du fait de ce double risque, hémorragique et de transformation maligne, des traitements préventifs ou curatifs peuvent être proposés.   Traitements préventifs   La chirurgie reste, dans les dernières recommandations de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) publiées en 2016(1), le traitement recommandé en première intention dans la majeure partie des cas, avec une résection pour tout adénome se développant chez un homme, du fait du risque de transformation maligne élevé, et pour des cas sélectionnés chez les femmes, résumés dans le tableau 2. En cas d’adénomes hépatiques multiples, il est recommandé de traiter le ou les plus volumineux. L’embolisation artérielle hépatique sélective peut être réalisée en concurrence de la chirurgie en cas d’hémorragie active et/ou d’instabilité hémodynamique ou en substitution de la chirurgie si elle n’est pas possible, en particulier en cas d’adénomatose. Enfin, en cas d’adénome peu volumineux et à risque de dégénérescence, il faut plutôt considérer l’ablation thermique percutanée en concurrence à la chirurgie avec un niveau de preuve faible pour l’adénome non transformé(1) mais élevé pour sa transformation maligne, qui correspond à un carcinome hépatocellulaire et pour lequel les recommandations BCLC proposent la thermoablation en première intention pour les tumeurs de < 3 cm de diamètre(4).   Même si le niveau de preuve de la chirurgie hépatique pour les adénomes hépatocellulaires reste assez faible(5), sans essai randomisé en particulier, il faut reconnaître que le niveau de preuve pour le traitement par embolisation artérielle hépatique est encore plus faible, avec une revue de la littérature en 2017 ayant inclus seulement 151 patients issus de cohortes rétrospectives et de cas cliniques(6). Cette revue a montré une utilisation majoritaire de l’embolisation en cas d’adénome hémorragique (n = 90) et minoritaire en traitement préventif unique (n = 41), fait pour 15 patients ayant une adénomatose. Les emboles utilisés sont très variables correspondant à des gélatines ou des coils : avec pour la cohorte rétrospective, multicentrique, la plus importante publiée à ce jour par le groupe d’étude néerlandais des tumeurs hépatiques bénignes(7), incluant 59 patients, l’utilisation préférentielle de microsphères calibrées, sans précision sur le calibre utilisé. Par ailleurs, il n’est spécifié dans aucune étude le degré de sélectivité de cathétérisme artériel hépatique souhaitable. Les résultats de l’embolisation semblent être comparables à la chirurgie en termes de dévascularisation tumorale dans un article comparant la chirurgie à l’embolisation(8), avec un pourcentage de patients ayant du tissu tumoral résiduel vascularisé dans 8,1 % des cas après embolisation, pourcentage voisin des 4,2 % observés après chirurgie. Après embolisation, l’adénome disparaît dans 10 % des cas, et régresse dans 75 % des cas(6), avec une réduction de volume proche en moyenne de 40 % à 5,5 mois, et stable par la suite(7). L’impact de l’embolisation sur une possible transformation maligne des adénomes n’a été étudié que pour quelques cas, sans description dans la littérature de transformation maligne secondaire à l’embolisation. La tolérance décrite est bonne avec essentiellement des syndromes postembolisation, mais avec néanmoins probablement des complications minorées du fait du caractère exclusivement rétrospectif des études. Il est à noter de plus un pourcentage de complications majeures de 7,9 à 10 %(6,7) avec des insuffisances rénales et des nécroses tumorales surinfectées. Ainsi, les tumeurs traitées étant en règle volumineuses – 76 mm de diamètre en moyenne dans l’étude de van Rosmalen et coll.(7) et développées dans un foie sain –, exigent probablement des précautions d’hydratation, de prévention du syndrome postembolisation, voire de discussion d’une antibioprophylaxie, du fait d’un risque de nécrose tumorale large et pouvant se surinfecter. Un résumé des paramètres techniques et de gestion du patient sont proposés dans le tableau 3, à la lumière des données de la littérature et par analogie aux recommandations publiées pour le traitement endo-artériel des carcinomes hépatocellulaires(9).   EN RÉSUMÉ   • Une embolisation artérielle d’adénomes hépatocellulaires peut être proposée en première intention en cas de complication hémorragique active. • L’embolisation doit être également considérée en prophylaxie primaire hémorragique d’adénomes à haut risque hémorragique, et ceci pour chaque patient, avec la nécessité de poursuivre l’évaluation de cette thérapeutique dans cette indication en s’inspirant des travaux menés par le groupe néerlandais d’étude des tumeurs hépatiques bénignes(7). Elle doit par ailleurs s’accompagner de mesures de prévention de symptômes cliniques liés au large volume de destruction tumorale. • L’embolisation ne semble pas avoir en revanche de place pour le traitement préventif de tumeurs de < 3 cm à haut risque de dégénérescence, avec pour ce groupe la nécessité de souligner que les thermoablations percutanées constituent une alternative valide à la chirurgie, à l’instar de ce qui est déjà démontré pour les tumeurs déjà transformées en carcinomes hépatocellulaires(4), même si cette alternative n’est pas validée dans les dernières recommandations internationales(1). Figure 1. Femme de 33 ans ayant un antécédent de maladie de Hodgkin en rémission complète, avec un surpoids modéré et prenant une contraception orale. Découverte fortuite d’une lésion hépatique du segment VII, mesurant 44 mm de diamètre en mars 2022, correspondant histologiquement à la biopsie à un adénome inflammatoire sans mutation pour la bêtacaténine. A : coupe axiale d’IRM en pondération T1 avec annulation des graisses, au temps portal d’une injection IV de sels de gadolinium, réalisée en mai 2023, montrant la croissance lente de l’adénome, mesurant 57 mm, en dépit de l’arrêt de la contraception orale. B-E : refus de la patiente d’une proposition de résection chirurgicale. Proposition multidisciplinaire d’un traitement par embolisation artérielle hépatique sélective. Artériographies et embolisations hypersélectives hépatiques de l’adénome en septembre 2023, sous anesthésie générale. Artériographie globale (B) et sélective dans les deux artères nourricières de la tumeur (C, D). Embolisation des pédicules tumoraux avec des particules calibrées de 250 µm jusqu’à stase et contrôle angiographique final (E) montrant une dévascularisation tumorale complète. F : contrôle scanner au temps portal d’injection IV de produit de contraste iodé à J12 pour un syndrome inflammatoire clinique persistant, associant fébricule et douleurs mineures (EVA à 2/10) résolutives sous traitement anti-inflammatoire. Dévascularisation tumorale complète avec microbulles de gaz plutôt liées à la nécrose tissulaire, sans autre anomalie associée et, en particulier, sans épanchement liquidien pleural droit réactionnel. Résolution complète des symptômes dans la semaine suivant le scanner. G : coupe axiale d’IRM en pondération T1 avec annulation des graisses, au temps portal d’une injection IV de sels de gadolinium, réalisée 4 mois après l’embolisation, montrant la dévascularisation complète de l’adénome, et sa décroissance volumétrique d’environ 35 %, mesurant 38 mm de diamètre.   * 1. Centre de radiologie interventionnelle oncologique et viscérale, hôpital Archet, CHU de Nice 2. Service d’hépatologie, hôpital Archet, CHU de Nice

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