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Polémique

Publié le 31 mar 2022Lecture 7 min

Notre mission : diminuer l’empreinte carbone de l’activité de radiologie interventionnelle

Audrey FOHLEN, CHU de Caen

L’activité de radiologie interventionnelle (RI) comme toute activité médicale produit des déchets et par conséquent des gaz à effet de serre. En France, le secteur de la santé est générateur de 4,4 % des émissions totales de gaz à effet de serre (The Lancet, juillet 2020). Une attitude écoresponsable de l’ensemble des intervenants : radiologues, manipulateurs, anesthésistes, industriels des dispositifs médicaux, pharmaciens, constructeurs de salles d’angiographie, de scanner, personnels administratifs et ingénieurs des établissements, est nécessaire pour limiter son impact environnemental.

Les déchets, source de pollution en RI Le déchet est un « objet dont le détenteur se défait, ou à l’intention ou l’obligation de se défaire ». Les déchets d’activité de soins (DAS) correspondent aux « déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire ». En établissement hospitalier, la production de déchets par lit par an est 3 fois plus importante que celle produite par an et par habitant en France. Les déchets de soins peuvent soit être des déchets d’activités de soins non dangereux (DASND) (encore appelés déchets assimilés aux ordures ménagères [DAOM]) ou des déchets d’activités de soins à risques infectieux et assimilés (DASRI ou DAS-RIA). Il est très important de connaître la définition exacte des DASRI ou DASRIA, définit selon l’article R1335-1 du Code de la santé publique : — « Déchets présentant un risque infectieux, du fait qu’ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants » ; — « Déchets, même en l’absence de risque infectieux, relevant d’une catégorie suivante : matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l’abandon, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ; produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ; déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables ». On souligne ici que la seule présence de sang ou de liquide biologique n'est pas un critère de classement en DASRI. Il s’agit d’un risque psycho-émotionnel, qui n’existe pas dans le Code de la santé publique. Ainsi, ne sont pas des DASRI les produits suivants pouvant provenir de nos activités de RI : les fils de suture (sans aiguille), les compresses, les seringues (sans aiguille), les champs, les équipements de protection type masques, tabliers, surblouses, gants, coiffes, le matériel de perfusion, les tubes ou flacons de liquides biologiques incassables vides ou non, les cathéters, etc. En revanche, les « piquants-coupants-tranchants » (aiguilles, bistouri, etc.) sont des DASRI, les contenants en verre (flacon de PDC, produit anesthésiant, etc.) également. Ne pas oublier non plus les DAS produits lors des soins aux patients dont la pathologie infectieuse fait l’objet d’une instruction particulière des autorités sanitaires dans un contexte de risque épidémique, etc. On le vit actuellement avec le SARS-CoV-2. Les déchets issus des activités d’enseignement, de recherche et de production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire sont assimilés aux déchets d’activité de soins. À côté des DASRI et des DAOM, il existe une 3e catégorie : les déchets recyclables. Ce sont les cartons, le papier (non confidentiel), les magazines, les briques alimentaires, les canettes métalliques, les bouteilles en plastiques alimentaires. Nous produisons aussi ce type de déchets avec l’activité de RI : salles d’attente, salles de pause, bureaux médicaux, emballages des DM (dispositifs médicaux), modes d’emploi des DM, etc. L’activité de RI produit des tonnes de DAOM (figure 1 A et B). La bonne utilisation des contenants DASRI permet depuis ces dernières années de les réduire drastiquement. L’attitude écoresponsable devrait permettre d’augmenter la quantité des déchets recyclables. Pourquoi faut-il trier nos déchets correctement ? Tous ces déchets seront traités et détruits selon une réglementation bien précise. La pollution émise pour leur traitement varie en fonction du type de déchets. Le traitement des DASRI occasionne un impact environnemental 10 fois plus néfaste que les déchets classiques. Le coût d’élimination varie également. Celui-ci peut passer d’environ 120 euros la tonne pour les DAOM alors qu’il peut atteindre 600 euros la tonne pour les DASRI. Le coût varie aussi en fonction de la localisation sur le territoire français. Pour les recyclables, le coût de l’élimination peut être de 0 euro la tonne... Notre objectif est donc d’optimiser le tri : « les bons déchets dans les bonnes poubelles », tout en maintenant la sécurité du personnel. Avez-vous tous dans vos bureaux et salle de pause une poubelle pour le recyclage ? Le déchet que l'on ne trie pas est le déchet que l'on ne produit pas ! Comment diminuer nos déchets ? Le zéro déchet est une mission impossible mais diminuer nos déchets est une mission possible. J’ai pu interviewer le Dr Vanessa Brun, radiologue interventionnelle au CHU de Rennes. Celle-ci est très sensible aux notions d’écoresponsabilité que ce soit dans sa vie personnelle et professionnelle. À ce titre, faut-il forcément être « écolo » pour être sensible à cette démarche ? Peut-on être écoresponsable au travail sans l’être à la maison ? Pour mieux pouvoir s’impliquer et avoir une action concrète, le Dr Brun est membre d’une sous-commission de la CME intitulée « développement durable ». Cette commission se constitue de plusieurs sous-groupes : santé et environnement au travail ; achats ; mobilité ; déchets ; immobilier et énergie. Il est évident que lorsque la réduction de l’empreinte carbone d’une activité devient une mission institutionnelle, il est plus facile d’obtenir des résultats. Il ne faut pas se leurrer, cette mission prend du temps et nécessite une sensibilisation de tous, à chaque étape de la chaîne de prise en charge du patient. L’appui des cadres et des administratifs est nécessaire. Néanmoins, le radiologue a une place clef dans la possibilité de diminuer les déchets produits. Il peut optimiser le matériel qu’il fait sortir pour une intervention, ne pas utiliser 4 paquets de compresses quand un seul bien optimisé est suffisant, ne pas sortir 3 types de cathéters en ayant bien analysé les conditions anatomiques faisant choisir d’emblée la bonne courbure. Comme le dit le Dr Brun : « opter pour et réfléchir à la « table de RI minimum » ». Nous avons tous dans nos salles et nos blocs, suite à des appels d’offre, des « sets » contenant des composants dont certains vont être immédiatement jetés. La confection de set adapté strictement à nos pratiques est une piste ou l’achat de matériel à l’unité. Le prix global doit intégrer le prix d’achat mais aussi le prix du recyclage du matériel. L’achat écoresponsable est donc une démarche pour diminuer et faire disparaître ces déchets évitables. L’intervention des pharmaciens est capitale à ce niveau. D’autres acteurs ont un rôle à jouer, notamment les industriels. En effet, quoi penser du suremballage : les plastiques qui emballent d’autres plastiques et les papiers thermocollés qui ne peuvent pas se recycler. La réglementation médicolégale peut aussi être délétère. En effet, chaque matériel doit être accompagné de son mode d’emploi. Ceux-ci sont parfois de vrais livres de plus d’une centaine de pages que personne ne lit, en tous cas pas plus d’une fois. Comment ne peut-on pas imaginer une numérisation de ces papiers qui partent directement à la poubelle sans avoir été utilisés ? Certains industriels se sont déjà engagés dans cette démarche, notamment dans leur méthode de production, dans le transfert du plastique vers du carton, dans le respect des conditions de sécurité et d’hygiène. Mais encore beaucoup d’efforts sont attendus. Les plastiques Il est temps de faire un petit paragraphe sur ce sujet. En effet, nos salles sont remplies de plastiques. Or, savez-vous qu’il n’en existe pas moins de 7 grandes familles (figure 2). La recyclabilité est différente en fonction du type : bonne pour les classes 1, 2 et 5 ; faible pour les classes 3 et 4 ; très faible pour les classes 6 et 7. Savez-vous de quel plastique est constituée votre bassine d’eau héparinée ? Vos cupules (figure 3) ? Les emballages des aiguilles pour la destruction tumorale percutanée ? Comment optimiser le recyclage ? Tout d’abord, il faut installer des poubelles de recyclable, nombreuses et aux endroits stratégiques. Il faut connaître les déchets produits et connaître les filières de recyclage possibles : celles existantes mais aussi celles à instaurer. Il faut en effet être créatif et inventif dans le domaine (collecte des bouchons, des stylos, etc.). Le recyclage des plastiques n’est souvent pas réalisé car les filières sont difficiles à mettre en place. Nous pourrions y réfléchir. Nous pourrions réfléchir aussi à des filières pour certains matériels de RI contenant des métaux, des piles, comme les boîtiers de largage de coils, les inflateurs (figure 4). Le recyclage des verres médicaux (produit de contraste, anesthésiant) est lui aussi complexe en raison de la présence de borate notamment, comme le soulignait François Gracia, ingénieur au CHU de Montpellier dans une interview à la presse en 2021. Celui-ci semblait avoir trouvé une piste en Normandie... Le projet Megadore, lancé en octobre 2021 par des enseignants-chercheurs brestois, vise quant à lui à recycler le gadolinium : un beau « green projet » des radiologues ! Les industriels des DM pourraient aussi travailler au tri et aux filières de recyclage des différents composants qui ne touchent pas le patient, des liquides biologiques ou médicaments. Les déchets numériques et l’énergie Avez-vous pensé aussi aux déchets numériques que vous produisez lorsque vous réalisez vos boucles de scopie, de graphie ? Comment archiver vous les images d’une intervention ? Envoyez-vous toutes les séries sur vos PACS pour des questions médico-légales ou sélectionnez-vous les images clefs ? Les images produites pour le guidage sont aussi une source de pollution. L’ambiance lumineuse, la mise en veille des ordinateurs, etc. Certains constructeurs semblent y être sensibilisés.

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