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Publié le 03 oct 2022Lecture 5 min

Thermoablation par radiofréquence et immunothérapie dans le carcinome hépatocellulaire - Essai de phase II multicentrique randomisé AB-LATE02

Wendy RÉNIER, Boris GUIU, service de radiologie diagnostique et interventionnelle, Hôpital St-Eloi, CHU de Montpellier

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▸ Rationnel   Les tumeurs primitives du foie représentent les 6es cancers les plus fréquents dans le monde et les 3es en terme de mortalité (source : Globocan 2020)(1). La plus répandue de ces tumeurs reste à ce jour le carcinome hépatocellulaire (CHC) qui survient habituellement sur cirrhose. Dans les stades précoces du CHC (1 à 3 nodules ≤ 3 cm), il existe trois traitements possibles selon les recommandations EASL(2) : la transplantation, la résection chirurgicale et la thermoablation par radiofréquence ou micro-onde. En raison de son caractère peu invasif et de résultats comparables à ceux de la chirurgie et dans un contexte de pénurie de greffons, la thermoablation est devenu le 1er traitement curatif du CHC en France(3- 4) ; cette méthode permet d’atteindre des taux de survie sans récidive à 2 ans de l’ordre de 45 %(5-7). Ce chiffre pourrait s’améliorer avec l’arrivée des immunothérapies administrées en néoadjuvant (donc avant la thermoablation) et/ou en adjuvant (donc après la thermoablation). L’apparition de nouveaux nodules de CHC après thermoablation est le fait de métastases et/ou de CHC de novo, avec une prépondérance de métastases dans la période initiale de 2 ans(8). Lorsque l’ablation est complète, le risque de récidive locale est de 5-20 % et s’explique par des marges insuffisantes(4). Un nouveau traitement curatif peut alors être proposé dans plus de 80 % des cas. Le problème des récidives intrahépatiques à distance est très différent et probablement sous-estimé. En effet, comme après chirurgie, 60-80 % des patients présentent ce type de récidive à 5 ans. Si l’apparition a lieu dans les deux premières années après thermoablation, la récidive est plus probablement le fait d’une dissémination métastatique, alors que les CHC de novo surviennent en général après 2 ans en raison de l’hépatopathie sous-jacente(2,4-5,7). Quatre essais randomisés de phase III testent actuellement l’immunothérapie en adjuvant d’une chirurgie ou d’une thermoablation d’un CHC. Leurs critères d’inclusion sont variables selon la stratégie curative (chirurgie ou thermoablation) et ces stratégies adjuvantes, en administrant l’immunothérapie après la thermoablation, et ne peuvent pas tirer bénéfice d’une synergie entre les deux traitements. Pourtant la radiofréquence seule a des propriétés immuno-stimulatrices immédiates bien connues puisqu’elle entraîne notamment la surexpression des protéines chaperonnes HSP-70, qui vont à leur tour faciliter la mise en place d’une zone d’inflammation au niveau du nodule de CHC traité par RFA et le recrutement sur site de différentes cellules présentatrices d’antigène, et ainsi activer la destruction de la tumeur localement(9-10). L’idée pour acquérir la synergie visée, et ainsi permettre une réponse antitumorale plus durable, pourrait être donc de compléter par une immunothérapie en néoadjuvant.   ▸ Immunothérapie   Dans le cadre de l’essai clinique AB-LATE02, les anticorps monoclonaux chimériques humanisés synthétisés par les laboratoires Roche : atézolizumab et bévacizumab, ont été choisis pour leurs propriétés. En effet, la fixation de l’atézolizumab sur son ligand : Programmed death-ligand 1 (PD-L1), permet d’inhiber la voie PD1/PD-L1, libérant ainsi ce point de contrôle immunitaire, qui est bloqué dans de nombreux cancers. De par cette inhibition, les cellules tumorales ne parviennent plus à échapper au système immunitaire et leur apoptose est alors rendue possible(9). De même, le bévacizumab cible le facteur de croissance vascular endothelial growth factor (VEGF) impliqué dans les processus de l’angiogenèse et limite la vascularisation de nouveaux nodules de CHC, empêchant la dissémination des cellules cancéreuses, et donc l’émergence de métastases. L’association atézolizumab + bévacizumab a donné des résultats positifs contre le sorafénib dans l’essai de phase III IMbrave 150 pour des stades avancés de CHC, conduisant à un nouveau standard international(11). La combinaison de ces deux molécules produit une action synergique : le bévacizumab via ses fonctions immunomodulatrices active les lymphocytes T CD8+ et diminue ainsi l’immunosuppression au sein même de la tumeur, ce qui renforce l’action de l'atézolizumab(9). La RFA seule provoque une réaction immunitaire antitumorale certes, mais insuffisante pour empêcher durablement la survenue de récidives à distance ; en additionnant en plus le blocage de la voie PD-1/PD-L1 pour détruire les cellules tumorales résiduelles et la prévention de l’angiogenèse, une telle thérapie combinée devrait produire un effet antitumoral maximal(9-10,12). L’utilisation d’atézolizumab en néoadjuvant (avant la RFA) pourrait permettre d’obtenir une synergie.   ▸ Essai clinique   L’essai clinique de phase II piloté par le CHU de Montpellier AB-LATE02 a commencé en février 2021. Cette étude interventionnelle, prospective, stratifiée, multicentrique (17 centres participants dans toute la France), contrôlée et randomisée (1:1) a prévu d’inclure 202 patients atteints de CHC de stades précoces, donc avec 1 à 3 nodules de diamètre < 3 cm. Le nombre de sujets nécessaire a été estimé en considérant une puissance statistique de 80 %, un risque global à 0,05 (bilatéral), pas d’analyse intermédiaire et 5 % de perdus de vue. Les patients sont randomisés entre le bras standard (radiofréquence seule) et le bras expérimental (figure). Les patients du bras expérimental reçoivent en plus une immunothérapie par voie intraveineuse : ils sont ablatés par RFA après avoir reçu deux cures néodjuvantes d’atézolizumab (1 200 mg), espacées de 3 semaines. Ensuite, les cures d’adjuvants : 1 200 mg d’atézolizumab et 15 mg/kg de bévacizumab seront poursuivies à la même fréquence pendant un an, ce qui correspond à 16 cures de bithérapie. Les doses choisies ici sont les mêmes que pour l’essai IMbrave 150(11). Des prélèvements de plusieurs types : biopsies, sang total, plasma sanguin, cellules mononuclées du sang périphérique sont programmés à différents temps afin de surveiller l’impact des traitements via la détection de certains biomarqueurs( 9), peut-être même d’en définir de nouveaux et de mesurer leur évolution au cours du suivi. Cet essai clinique a pour objectif d’allonger la survie sans récidive à 2 ans des patients. Cette durée se situe aux alentours de 45 % actuellement, avec la RFA seule(5-7). Nous espérons l’augmenter à 65 % grâce à l’utilisation simultanée de l’immunothérapie.

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