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Vision

Publié le 29 juin 2022Lecture 5 min

Cryothérapie et immunothérapie dans le cancer bronchique : essai randomisé CRYOMUNE

Jean PALUSSIERE, radiologue, Bordeaux

CRYOMUNE (NCT04339218) est le premier essai randomisé visant à évaluer l’effet de la cryothérapie en association avec l’immunothérapie chez des patients atteints de carcinome bronchique non à petites cellules (CBNPC) métastatique.

Les options thérapeutiques sont limitées pour les patients atteints de CBNPC métastatique ou localement avancé. La chimiothérapie à base de sels de platine est restée pendant de nombreuses années le traitement standard de première ligne. Cependant durant les dix dernières années, le traitement du CBNPC a beaucoup évolué, grâce à une meilleure compréhension de la biologie moléculaire de la maladie tumorale. Il existe trois principaux types histologiques de CBNPC : l’adénocarcinome le plus fréquent, le carcinome épidermoïde et le carcinome à grandes cellules. Avec les analyses du génome tumoral, des sous-types tumoraux ont pu être mis en évidence. Le phénotype de certaines tumeurs est le résultat d’une mutation oncogénique et de réarrangements de gènes bien individualisés. Ces tumeurs plus fréquentes chez les non-fumeurs peuvent être traitées par thérapies ciblées et ont un meilleur pronostic. Mais la majorité des CBNPC n’expriment pas de modification génomique, ces tumeurs plus fréquentes chez les fumeurs, avec une charge mutationnelle plus forte, sont de moins bon pronostic. Elles étaient traitées par chimiothérapie jusqu’à ce que l’immunothérapie (inhibiteurs des chekpoints immunitaires) soit utilisés avec succès. Immunothérapie Dès l’apparition de cellules cancéreuses dans l’organisme, le système immunitaire est capable de les détecter et de les éliminer. Ce concept de veille immunitaire est basé sur l’hypothèse que la mort cellulaire non programmée libère des néo-antigènes et des signaux qui activent à la fois l’immunité innée et acquise. Cependant, certains clones tumoraux vont échapper au contrôle de l’immunité et permettre aux cellules tumorales de se développer. L’immunothérapie vise à restaurer la capacité du système immunitaire, à détecter et éliminer les cellules tumorales. Dans un contexte tumoral et inflammatoire chronique, il existe une surexpression de molécules qui inhibent les lymphocytes T. Le récepteur program-death-1 (PD-1), exprimé sur les lymphocytes T, est bloqué par les ligands programmed-death : PD-L1 et PD-L2, exprimés par les cellules tumorales. L’expression par les cellules tumorales de PD-L1 est fréquente dans les CBNPC et facilite donc l’échappement immunitaire. Des anticorps, nommés inhibiteurs des checkpoints immunitaires, bloquent la liaison PD-1/PD-L1 et permettent ainsi de restaurer l’immunité antitumorale. Ils constituent un progrès majeur dans le traitement des CBNPC. Le pembrolizumab, un anticorps monoclonal qui cible PD-1, prolonge la survie globale des patients atteints de CBNPC avancé dont au moins 50 % des cellules expriment PD-L1-positive. Le pembrolizumab permet aussi d’augmenter significativement la survie sans progression avec moins d’effets secondaires que la chimiothérapie avec sels de platine(1). Ainsi, depuis mai 2017, le pembrolizumab est autorisé comme traitement de 1re ligne du CPNPC métastatique ou avancé. Étude CRYOMUNE La vaccination est un des moyens les plus efficaces de stimuler l’immunité. En détruisant des cellules tumorales, la cryothérapie permet le relargage d’antigènes tumoraux. La libération d’une grande quantité d’antigènes va potentiellement activer de nombreuses cellules des voies de l’immunité innée et acquise. Cette libération d’antigènes tumoraux aurait un effet comparable à celui d’un vaccin anti-cancer in situ, initiant une réponse immunitaire systémique antitumorale. La réaction cellulaire après cryothérapie a également été observée à distance du site traité, non seulement au niveau de métastases mais aussi dans le sang périphérique, et suggère une activation globale du système immunitaire. La réponse immunitaire ainsi déclenchée par un traitement local peut, en théorie, atteindre des sites métastatiques situés à distance. Ce phénomène est appelé effet abscopal et a été décrit initialement par les radiothérapeutes il y a une cinquantaine d’années, après avoir constaté que l’irradiation d’une tumeur entraînait parfois la régression de métastases à distance. Cependant, cet effet immunitaire lorsqu’il n’est pas associé à d’autres actions thérapeutiques, est la plupart du temps insuffisant, voire contre-productif. Différentes publications ont démontré l’apparition d’un effet abscopal en combinant la radiothérapie à un traitement par anticorps inhibiteurs du système immunitaire. De façon similaire à la cryothérapie, la radiothérapie libère des auto-antigènes. Cependant, la cryothérapie par l’effet de congélation préserve les ultrastructures cellulaires et donc les antigènes tumoraux, la congélation suivie d’une décongélation augmente aussi la perméabilité membranaire et facilite les échanges plasmatiques. En revanche, les méthodes de chauffage (radiofréquence, micro-ondes) et la radiothérapie endommagent et détruisent une partie des épitopes, du fait des mécanismes de dénaturation protéique qu’elles induisent et qui conduisent à la mort cellulaire. La cryothérapie relarguerait donc plus massivement et efficacement des antigènes non endommagés. Jusqu’à présent, l’efficacité d’une combinaison d’immunothérapie par inhibiteurs des checkpoints immunitaires et de cryothérapie n’a jamais été explorée dans le carcinome bronchique. L’essai CRYOMUNE cherche à évaluer l’association d’une cryothérapie en association (ou non) avec pembrolizumab et pemetrexed-carboplatine en première ligne de traitement chez des patients atteints d’un adénocarcinome bronchique métastatique (figure). C’est une étude randomisée de phase III qui a été financée par le PHRC 2020. Elle est limitée aux patients atteints d’adénocarcinome bronchique non muté, métastatique ou avancé. Au moins deux lésions cibles (RECIST1.1), mesurables en scanner ou IRM, doivent être répertoriées. L’une doit pouvoir être mesurée de façon répétée quel que soit son site anatomique (pulmonaire ou extrapulmonaire) ; l’autre doit être accessible à un traitement par cryothérapie. Elle peut être pulmonaire, rénale, surrénalienne, osseuse (à condition que la métastase soit lytique) ou dans les tissus mous. Les métastases hépatiques ou cérébrales sont exclues. L’objectif principal est de démontrer une augmentation de la survie à 1 an de l’association cryothérapie chimio-immunothérapie par rapport au bras chimio-immunothérapie. Parmi les objectifs secondaires, il est prévu une comparaison dans les deux bras de la survie globale à 2 ans, des survies sans progression à 1 et 2 ans, de la qualité de vie. Un programme translationnel avec des prélèvements sanguins et tumoraux fait aussi partie des objectifs secondaires de l’essai afin de mieux comprendre les effets d’une telle combinaison thérapeutique sur le microenvironnement tumoral.

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